Quelques impressions sur la finale du concours Long-Thibaud, deux noms auxquels on a adjoint pour la première fois celui de notre Régine Crespin nationale. La première édition de cette nouvelle mouture met désormais la voix à l’honneur, aux côtés du piano et du violon. C’était soirée de gala pour la finale, samedi soir, 5 novembre, au Théâtre du Châtelet. Un jury de qualité (on y trouvait, pêle-mêle, le directeur du Festival de Salzbourg, la directrice du festival de Bayreuth, le directeur du Staatsoper de Vienne, le directeur artistique de la Fenice, l’administrateur artistique du MET…), un public huppé, venu, l’espace d’un instant, oublier les « les fracas de la crise et de ses souffrances » (comme c’est indiqué dans le programme de la soirée) et, au bout du compte, deux surprises.
Celle, d’abord, de devoir constater que se sont hissés jusqu’en finale, des candidat(e)s dont les voix présentent des défauts problématiques, comme Marina Bucciarelli, dont la gestion des registres inspire les plus grandes craintes et qui ne parvient pas à se départir de stridences assez gênantes. Est-ce vraiment cela, l’excellence revendiquée par les organisateurs du concours ?
Surprise, ensuite, née du choix du jury. Avant d’annoncer le verdict, le président d’icelui est venu expliquer au public que le jury s’était décidé plus sur les potentialités des voix que sur leur état présent, tel qu’il avait pu être apprécié au cours de cette soirée. Admettons. Mais enfin, parvenir à ce point à déceler les potentialités, cela confine à la divination. Comment expliquer autrement que Giulia Lezhneva, pulpeuse de timbre, de technique sûre et de ligne flatteuse, se soit retrouvée bonne dernière, derrière des concurrentes affublées de défauts qui, eux, n’avaient rien de potentiel ? A l’inverse, les deux prestations simplement propres de la basse coréenne Kihwan Sim justifiaient-elles le premier prix que lui a accordé le jury ? Oublions ces surprises, et retenons les prestations prometteuses qui ont émaillé cette soirée, comme celle du baryton russe Roman Burdenko, magnifique dans son air de Iolanta, à surveiller, ou de la soprano suédoise Ida Falk Windland, dont le « Glitter and be gay » de Candide, survolté et décoiffant a conquis l’assistance. C’est d’ailleurs à elle que le public, invité à voter parallèlement au jury, a accordé ses suffrages.
Un conseil, pour finir, aux candidats des prochaines éditions du concours Long-Thibaud-Crespin : il n’est pas nécessaire, pour amadouer public et jury, d’inclure dans son tour de chant des airs extraits du répertoire français quand on n’en maîtrise pas les codes stylistiques. Entendre Manon chantée dans un sabir indéchiffrable peut même s’avérer dangereusement contreproductif dans une épreuve qui consiste, faut-il le rappeler, à éliminer autant qu’à choisir… [JM]