Dernière œuvre vocale de Pascal Dusapin, le cycle de mélodies O Mensch ! a été donné en création mondiale au Théâtre des Bouffes du Nord, pour quatre concerts du 15 au 19 novembre. Non content d’en concevoir la musique, le compositeur a également mis en espace ce récital, dans des éclairages qui font émerger le soliste d’une brume crépusculaire, complétées par quelques projections d’images au sol ou en fond de scène. Dans ces poèmes de Nietzsche, un Georg Nigl tantôt halluciné, tantôt sarcastique arpente la scène en tous sens, faisant valoir la souplesse de son timbre de baryton et déployant une large palette expressive, en voyageur qui aspire à la sérénité, avant-goût de la mort, ou en simple anonyme clamant sa douleur et sa déréliction. La pianiste Vanessa Wagner l’accompagne dans cet itinéraire torturé, mais plusieurs passages sont chantés a capella (et les 27 numéros incluent quatre interludes pour piano seul). Vocalement, outre les divers effets de parlando et de sprechgesang, la voix de tête est très souvent sollicitée. Quant à la musique de Pascal Dusapin, elle est en général lente et introspective, comme arrachée au silence, même si elle s’autorise quelques clins d’œil, au music-hall dans « Le mot », au tango dans « Celui qui ne sait pas rire », ou une citation de l’accord de Tristan dans « A Richard Wagner ». L’unité du cycle est assurée notamment par la récurrence du poème « Ambition », chanté trois fois. Une réelle émotion se dégage de cette soirée ; reste à savoir quelle destinée connaîtra ce cycle de lieder, et comment il s’accommodera d’être interprété en pleine lumière par un baryton en smoking, immobile près du piano. [LB]