Création posthume du dernier ouvrage de Stephen Sondheim

Stephen Sondheim est un peu l’Arrigo Boito du musical : initialement librettiste (West Side Story, Gipsy), il est rapidement reconnu comme compositeur à part entière (A Funny Thing Happened on the Way to the Forum, Follies, A Little Night Music, Sweeney Todd et bien d’autres ouvrages), d’autant qu’il n’est pas un autodidacte, ayant suivi  des études supérieures en composition musicale et théorie musicale avec Milton Babbitt et des cours privés avec le librettiste Oscar Hammerstein II (The Sound of Music, Carousel, The King and I…). De plus ses musicals ont été régulièrement défendus par des artistes lyriques. Bryn Terfel a ainsi interprété le démoniaque barbier Sweeney Todd. Felicity Lott et Josephine Barstow ont alterné à Londres dans Follies, l’ouvrage prévoyant explicitement un artiste lyrique. Leur rôle a également été défendu par Rosalind Elias, qui participa à des productions de Sweeney Todd et d’A Little Night Music. En gestation depuis des décennies, son dernier ouvrage était voué à une création posthume, le compositeur déclarant lui-même qu’il ne finirait sans doute jamais sa composition. Intitulé Here We Are, le musical s’inspire de deux films de Luis Buñuel : Le charme discrète de la bourgeoisie (1972) et El ángel exterminador (1962). Dans le premier, des amis essaient de se réunir pour un repas, mais n’y arrivent pas. Dans le second, les invités n’arrivent pas à quitter la maison de leur hôte. Le rapprochement était tentant. Le livret est dû à David Ives qui utilise les mêmes personnages pour les deux parties, dans une version modernisée où les aristocrates bunuelliens deviennent des grands bourgeois américain (dont un chirurgien plastique qui fête son millième nez). Sondheim étant mort en 2021 sans que le compositeur achève la totalité de la partition, la production compte environ sept numéros pour le premier acte, mais la seconde partie est plus disparate, ce qui peut toutefois coller à l’ambiance plus sombre de L’Ange exterminateur. Malgré son caractère inachevé, l’ultime opus de Sondheim semble avoir été bien accueilli. Here we are est donné dans l’auditorium d’environ 500 places du Shed, centre culturel ouvert en 2019.