Par les temps qui courent, il faut à un directeur d’opéra beaucoup de confiance en la science et en l’avenir pour annoncer sa saison à venir. Alors que l’Autriche amorce son déconfinement, la Wiener Staatsoper annonçait hier soir en live-stream (distanciation oblige) sa saison 2020/2021. L’exercice annuel était particulier ce soir-là, puisque le nouveau directeur Bogdan Roščić y présentait la première saison de son mandat, succédant à Dominique Meyer.
Roščić jouait beaucoup ce soir là : alors que son prédécesseur jouissait d’une popularité considérable auprès du public viennois, cet ancien directeur de Sony Classical n’était pas nécessairement attendu à ce poste. Confiant d’une opération de communication réussie, il a énoncé point par point les grandes lignes artistiques de son mandat, avant de s’attarder sur cette première saison. Pour émailler la présentation d’un peu de musique (il le faut bien), on fit tout d’abord appel à Patrizia Nolz, membre du tout nouveau studio de l’opéra, qui interpréta « Morgen » de Richard Strauss. Ce fut ensuite le tour de Peter Kellner, qui chanta « Se vuol ballare » des Noces de Figaro. Enfin, Vienne oblige, Anna Netrebko brilla dans le grand air de Manon Lescaut de Puccini.
A quoi faut-il donc s’attendre pour les cinq prochaines années ? Tout d’abord à beaucoup de nouvelles productions, puisqu’elle sont au nombre de dix pour cette nouvelle saison (contre la moitié les années précédentes)
Côté répertoire, on note un coup de projecteur sur Mozart (un nouvel Enlèvement au Sérail par Hans Neuenfels), Wagner (exit le Parsifal de Hermanis pour une version par Kirill Serebrennikov) et sur les « classiques de la modernité », représentés ici par Das verratene Meer de Hans Werner Henze. On notera également une trilogie Monteverdi qui pointe le bout de son nez avec un Couronnement de Poppée dirigé par Pablo Heras-Casado. Connaissant le goût du public viennois pour les vieilles choses, Roščić coupe la poire du répertoire en deux : tout en proposant une nouvelle Butterfly par Anthony Minghella qui remplacera l’antique production de Josef Gielen, il ressuscite Jean-Pierre Ponnelle et Harry Kupfer avec respectivement Le Nozze di Figaro et Elektra.
Côté voix, Vienne reste Vienne, et elle aura toujours son lot de stars. Le cast de Parsifal s’annonce vertigineux, avec Jonas Kaufmann (Parsifal), Ludovic Tézier (Amfortas) et les débuts d’Elīna Garanča en Kundry. Anna Netrebko promet de brûler les planches en Lady Macbeth (de Verdi), tandis qu’Asmik Grigorian incarnera cette nouvelle Butterfly dont on attend beaucoup. On retrouve ensuite en vrac grands noms que sont Juan Diego Flórez (Faust), Anita Rachvelishvili (Carmen), Lisette Oropesa (Konstanze de l’Enlèvement) ou encore Pretty Yende (Violetta Valery).
Le renouveau passera aussi par les chefs d’orchestres qui se succéderont au pupitre des Wiener Philharmoniker. Ayant terminé son mandat parisien, Philippe Jordan a l’honneur de réinaugurer les fonctions de directeur musical. La stratégie semble être la même qu’à Paris : le chef dirigera souvent, et un peu de tout (Puccini, Verdi, Wagner, Mozart et Strauss pour l’essentiel). On retrouvera ensuite les habitués de la maison que sont Christian Thielemann, Evelino Pidò et Marco Armiliato, mais ce sera l’occasion pour Bertrand de Billy et Franz Welser-Möst de faire leur grand retour après une absence de près de cinq ans. On verra également quelques têtes féminines puisque la direction musicale de la nouvelle production de Henze sera confiée à Simone Young, et que la fameuse Butterfly de Minghella reviendra en mars à Joanna Mallwitz.
La nouvelle saison est à découvrir en détail sur le site de l’Opéra de Vienne, tandis que les curieux (germanophones) pourront réécouter l’émission sur le site de l’ORF.