Elle était une figure incontournable du petit monde des critiques musicaux belges ; Erna Metdepenninghen s’est éteinte la semaine dernière à l’âge de 82 ans.
Ses premiers contacts avec le monde de l’opéra remontent à l’enfance, lorsqu’elle assiste abondamment aux répétitions et aux représentations de l’Opéra de Gand dont son père Arthur occupe le poste de secrétaire général, puis d’administrateur. Les yeux et les oreilles grands ouverts, la jeune Erna acquiert une connaissance quasi exhaustive du répertoire, et une grande familiarité avec le monde du chant en général. Après des études de philologie germanique, elle fera une carrière complète dans l’enseignement des langues, qui lui laissera le loisir de mener en parallèle ses activités de critique, principalement dans le quotidien De Standaart ou pour la radio et la télévision belges de langue néerlandaise.
Fondatrice avec sa sœur Vera et Gerard Mortier du mouvement Jeugd-Opera, destiné à amener un public de jeunes à l’opéra, elle fut aussi pendant longtemps la très dynamique présidente de l’Union de la Presse musicale belge, qui décerne chaque année les prix Cecilia.
Véritable boulimique d’opéra, elle n’hésitait pas à avaler les kilomètres pour satisfaire sa passion. Dès le début de l’été, elle empilait quelques valises dans sa petite auto, et parcourait l’Europe de festival en festival, toujours élégante, et j’ai pu mesurer à bien des reprises l’estime dans laquelle les directeurs, les services de presse, mais aussi les chanteurs – y compris les plus célèbres – la tenaient. Cette autorité naturelle, elle la devait à la solidité de ses connaissances, immédiatement reconnue de tous.
A titre personnel, j’ai connu Erna dans les années ’90 lorsqu’elle accepta de parrainer ma candidature à l’Union de la presse, ce qu’elle ne fit qu’après avoir un peu testé mes compétences ; elle se méfiait des imposteurs…
C’est elle qui m’initia au Festival de Salzbourg, m’expliquant le mode d’emploi de la ville, où garer sa voiture, quelles étaient les bonnes et les mauvaises tables où aller dîner après le spectacle et ce que la ville pouvait offrir de distractions pour les après-midis de relâche. Elle était toujours disposée à partager son précieux réseau avec le débutant que j’étais.
Sous un physique imposant elle cachait une grande sensibilité, une vulnérabilité accessible seulement à ses rares amis. Si ses avis sur les voix étaient infaillibles, elle était relativement indulgente pour les chanteurs dont elle connaissait le dur métier. Ses jugements sur les metteurs en scène manifestaient parfois un certain conservatisme et elle n’aimait pas qu’on ne respectât pas la lettre des livrets. Lorsque le sens était dévoyé, – ça arrive – elle pouvait être furieuse. Honnête et sincère au risque de déplaire, elle était aussi sans concession vis-à-vis d’un art qu’elle aimait sans doute plus que tout. Cette rigueur-là, c’est sûr, va nous manquer.