Atteint de la maladie de Parkinson depuis plusieurs années, le chef d’orchestre Kurt Masur est décédé aujourd’hui samedi 19 décembre. Enumérer les multiples jalons qui ont conduit ce natif de Brieg en Haute-Silésie à devenir un chef d’orchestre renommé serait exercice fastidieux. En soixante années de carrière, Kurt Masur a parcouru le monde et le répertoire. Les hommages suivront inévitablement, plus éloquents, plus diserts pour louanger l’homme – profondément humain – et sa direction, rigoureuse mais sans doute trop mesurée pour se réaliser à l’opéra. Si le maestro conduisait encore il y a peu Fidelio au Théâtre des Champs-Elysées, c’est davantage par amour de Beethoven que du genre lyrique. Sa discographie à ce titre est significative. Elle ignore Verdi, Wagner, Puccini et les chefs d’oeuvre opératiques de Mozart. De Britten, elle ne retient que le War Requiem et de Janacek, la Messe glagolitique. Exceptions qui confirment la règle, la rare Genoveva de Schumann dominée par les immenses Dietrich Fischer-Dieskau et Edda Moser, ainsi qu’Ariadne auf Naxos en 1988 qui s’impose davantage par son trio de sopranos – Jessye Norman, Edita Gruberova, Julia Varady – que par sa direction d’orchestre, en mal de théâtre. Qui aime Masur ou veut l’aimer, préfèrera l’écouter dans le répertoire symphonique, allemand si possible : les quatre B – Beethoven, Brahms, Bruckner et Bach dont il emprunte au clavier l’adjectif le mieux à même de qualifier son art : tempéré.
Communiqué de presse de l’Orchestre National de France dont Kurt Masur fut le directeur de 2002 à 2008
Radio France, son Président Mathieu Gallet, l’Orchestre National de France et son Directeur Musical Daniele Gatti viennent d’apprendre avec une profonde tristesse la disparition d’un « Directeur musical de légende » Kurt Masur qui exerça cette fonction auprès de l’Orchestre de 2002 à 2008.
Prenant la direction musicale de l’orchestre en septembre 2002, le chef allemand fait bénéficier la formation de son humanisme et de sa très longue expérience, notamment à la tête de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dont il a été le directeur musical de 1970 à 1996. D’emblée, il parvient à tisser une relation privilégiée avec les musiciens, stimulant ce «désir d’apprendre à jouer ensemble» qui distingue les orchestres les uns des autres : «Maintenant, nous n’avons plus beaucoup à nous parler lors des répétitions, les musiciens et moi, car nous pensons de la même façon», constatait Masur en 2007, alors qu’il fêtait son 80e anniversaire.
Dès son arrivée à Paris, le directeur musical programme de longs cycles voués à ses compositeurs de prédilection, avec notamment deux intégrales des symphonies de Beethoven en 2002 et 2008, pour lesquelles Masur choisit de s’appuyer sur les éditions critiques récemment parues chez Breitkopf & Härtel, mais également avec des séries de concerts consacrées à Mendelssohn, Bruckner ou encore Chostakovitch. Selon une recette éprouvée dès les années 1970 à Leipzig, les musiciens comme le public sont invités à pénétrer un univers esthétique dans la durée, afin d’en percevoir toutes les subtilités et d’en saisir les évolutions. « Nous avons fait ensemble la plus belle Symphonie pastorale de toute ma carrière ; la nature est belle partout mais les fleurs sont encore plus belles dans les prairies de l’Orchestre national », confiera le chef allemand.
Les musiciens de l’Orchestre National de France, son Directeur musical Daniele Gatti et tous ceux qui à Radio France ont collaboré avec Kurt Masur conservent de lui le souvenir d’un musicien d’exception et d’un grand humaniste.
Ils expriment à la famille de Kurt Masur et particulièrement à son épouse Tomoko Masur des pensées de grande tristesse et d’admiration.
France Musique consacrera lundi 21 décembre 2015 une journée spéciale à Kurt Masur.