Les circonstances étaient un peu adverses, ce jeudi soir à Bruxelles, pour goûter à la magie de Couperin. Le froid et l’humidité régnaient dans l’Eglise de Minimes, le clavecin était mal accordé, l’une des deux chanteuse en petite forme. Mais le public était venu fervent et nombreux, en attente d’une expérience mystique qui pût marquer le début du carême. Le programme était allé puiser dans les trois Leçons de Ténèbres de François Couperin qu’on donnait par tranches, complétées par son Magnificat et entrecoupées de pièces pour viole extraites des trois premiers livres de Marin Marais. A la tête du Ricercar Consort en très petit effectif, Philippe Pierlot a cependant sauvé la mise en insufflant à ces pièces d’une grande austérité la juste part de virtuosité contenue, de simplicité et de sincérité d’expression qui permettent à la musique de jaillir avec force, de s’imposer quelles que soient les circonstances, et de susciter la méditation, puisque de toute évidence c’est ici son rôle. Céline Scheen et Grace Davidson ont des voix qui s’accordent facilement, même si la première met à ses interprétations plus de relief et de style. Dès lors, ce sont les pièces à deux voix, le Magnificat et la Troisième Leçon qui, plus élaborées et d’un style mieux affirmé, furent sur ce plan les plus efficaces, et portèrent au plus haut l’émotion du pauvre Jérémie se lamentant devant Jérusalem ruinée.