« C’est ainsi que sur les rives fatales du Nil / Soupire le crocodile trompeur… ». A partir de cette invective de Didon à Enée l’abandonnant, Samuel Achache et Jeanne Candel ont imaginé un spectacle d’une originalité déconcertante. Le chef d’œuvre de Purcell, dans un arrangement jazzy pour une dizaine d’instruments, s’accompagne de multiples digressions envisagées comme autant de contrepoints à la tragédie vécue par la reine de Carthage : un – trop long – discours sur l’harmonie des sphères, l’autopsie d’un corps amoureux, un jeu autour d’une grappe de raisin, etc. Souvent absurde, parfois amusant, toujours inventif, ce divertissement protéiforme vaut d’abord par ses interprètes, à la fois acteurs, musiciens et chanteurs. Certains toutefois plus que d’autres. Marie-Bénédicte Souquet est une Belinda d’une grâce et d’une musicalité infaillibles tandis que ses partenaires masculins s’imposent davantage par un engagement à la frontière de l’extrême. Tout n’est évidemment pas égal et l’ensemble gagnerait à atteindre cette concision qui est l’une des marques du génie de Purcell. Si déjanté soit-il, ce Didon et Enée revisité n’en demeure pas moins efficace. Comme à l’habitude d’ailleurs, la mort de Didon, vécue intensément par Judith Chemla, tire des larmes… de crocodile of course. [Christophe Rizoud]
Le Crocodile trompeur / Didon et Énée – Henry Purcell / Samuel Achache & Jeanne Candel / Florent Hubert – Théâtre des Bouffes du Nord, jusqu’au 12 janvier 2014. Mise en scène : Samuel Achache et Jeanne Candel. Direction musicale : Florent Hubert. Avec Matthieu Bloch, Judith Chemla, Vladislav Galard, Florent Hubert, Clément Janinet, Antoine Kahan, Olivier Laisney, Léo-Antonin Lutinier, Thibault Perriard, Jan Peters, Jeanne Sicre, Marion Sicre et Lawrence Williams. (plus d’informations)