C’est parce qu’on doit à Robert Carsen bien des spectacles inoubliables qu’on lui pardonnera l’échec de son Don Giovanni donné hier soir en ouverture de saison à la Scala de Milan et diffusé en même temps sur Arte. Dès les premières secondes, on comprend à quoi il faut s’attendre : du théâtre dans le théâtre, jusqu’à plus soif. Résultat : une mise en scène poussive, où l’on voit se multiplier les rideaux rouges qui se lèvent sur d’autres rideaux rouges, avec une direction d’acteurs à peu près inexistante. Dommage, car la distribution était prometteuse : Mattei et Terfel formaient un couple de choc, mais interdisant tout jeu sur la gémellité des deux personnages, et Anna Netrebko ne pouvait que ravir ses fans, même si le passage des ans ne lui permet plus tout à fait d’être l’Anna quasi-idéale qu’elle fut jadis à Salzbourg. On baisse d’un cran avec une Barbara Frittoli en Elvire scéniquement caricaturale, à la voix alourdie, et Giuseppe Filianoti, terriblement tendu, compose un Ottavio plus falot que jamais, alors qu’on se réjouissait d’entendre un ténor italien dans le rôle. Anna Prohaska est une séduisante Zerlina, appariée à un Masetto bien obtus. Le tout dirigé par un Barenboïm bien peu soucieux de théâtre. Un Don Giovanni pour rien ?