Imposer un concert Rameau aux membres de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, cela se justifie par le fait que nous sommes en 2014, mais malgré la très lente pénétration du compositeur dijonnais dans les programmations de par le monde, qui dit que ces jeunes chanteurs le retrouveront jamais au cours de leur carrière ? Enfin, même si leur formation les destine à un tout autre répertoire, il est bon qu’ils se soient frottés à ce style, et où le feront-ils si ce n’est en France ? On admire donc l’art avec lequel tous s’efforcent de canaliser des organes généreux pour ne pas trop écraser la musique de Rameau, interprétées avec une grâce parfaite par l’ensemble Les Folies françoises dirigé par Patrick Cohën-Akenine. Andriy Gnatiuk, superbe voix de basse, fait ainsi forte impression en Huascar, malgré un français encore à améliorer. Armelle Khourdoïan, très stylée, s’avère hélas fort peu expressive dès que l’on ferme les yeux. Joao Pedro Cabral a le mérite de s’aventurer dans une tessiture de haute-contre à la française, sans doute un peu tendue pour ses moyens, qu’il semble forcer un peu trop. Tiago Matos est plus à l’aise en Thésée et livre une belle invocation à Neptune. Avec un art exquis de ciseler le français, Andreea Soare campe une fort belle Aricie. Mais l’on retiendra surtout la Phèdre d’Elodie Hache, authentique tragédienne, comme l’avaient déjà laissé deviner ses précédentes prestations. En conclusion d’un programme unissant des extraits des deux Rameau les plus souvent donnés à l’Opéra de Paris (Les Indes Galantes et Hippolyte et Aricie) à une œuvre moins fréquentée (Les Surprises de l’amour), tous les artistes réunis ont interprété, ô surprise extrême, « Forêts paisibles », sous les applaudissements d’un public enthousiaste mais pas forcément très connaisseur : à la sortie, de braves gens se demandaient où ils avaient bien pu déjà entendre du Rameau : mais au générique de l’Eurovision, pardi ! [Laurent Bury]
Concert Rameau, Atelier Lyrique de l’Opéra national de Paris, Les Folies françoises, Patrick Cöhen-Akenine, violon et direction, Auditorium du Louvre, mercredi 16 avril, 20h