Ce samedi 9 novembre le Met retransmettait pour la troisième fois au cinéma la production de Madame Butterfly que le cinéaste Anthony Minghella, avait montée à Londres en 2005. Reprise à New-York en 2008, elle avait été diffusée une première fois l’année suivante avec Patricia Racette dans le rôle-titre et publiée en DVD dans la foulée. La deuxième retransmission qui a eu lieu en avril 2016 avec Kristine Opolais et Roberto Alagna, avait déjà fait l’objet d’une recension dans nos colonnes.
C’est avec grand plaisir que l’on revoit ce spectacle éblouissant qui n’a pas pris une ride. Le metteur en scène est allé si loin dans le souci du détail qu’on y découvre à chaque fois de nouveaux éléments. Sur le plateau, la maison de Butterfly est symbolisée par plusieurs panneaux coulissants qui permettent une infinité de jeux de scène. Au-dessus se trouve un miroir qui reflète les personnages, notamment les invités de la noce du premier acte, vêtus de costumes traditionnels aux couleurs vives. L’enfant de Butterfly est une marionnette inspirée du bunraku japonais, actionnée avec une telle dextérité par des animateurs entièrement vêtus de noir, qu’on la croirait vivante. Ces mêmes animateurs parviennent à créer avec peu de moyens une atmosphère onirique du plus bel effet, par exemple lorsqu’ils promènent dans la nuit à la fin du premier acte des lanternes lumineuses ou qu’ils agitent au bout d’une perche des oiseaux de papier pour évoquer le lever du jour au début du trois. Cette production raffinée, qui marie astucieusement tradition et modernité, restera hélas l’unique mise en scène d’opéra réalisée par Anthony Minghella, disparu prématurément peu après.
Comme souvent au Met, les seconds rôles sont tous impeccables. Citons le bonze de Raymond Aceto, convaincant dans sa harangue du premier acte, et le Yamadori de Jeongcheol Cha, presque touchant en amoureux transi. Déjà présent en 2016, Tony Stevenson est un Goro cynique et sans scrupule. Doté d’une voix solide, Paulo Szot campe un Sharpless plein d’humanité et de compassion. Elizabeth DeShong que l’on a vue dans le rôle d’Arsace (Sémiramis) au cinéma en 2018 est une Suzuki de luxe, la voix est homogène, le registre grave généreux et le timbre chatoyant. Dommage que son personnage, qu’elle interprète avec une grande sensibilité, ne soit pas plus développé. Remplaçant presque au pied levé Andrea Carè souffrant, Bruce Sledge s’est montré prudent au début du spectacle. Sous l’effet d’un trac bien compréhensible, son chant manquait d’assurance et son registre aigu de souplesse. Fort heureusement au troisième acte il a livré une prestation tout à fait satisfaisante avec un « Addio, fiorito asil » particulièrement touchant. Hui He qui avait débuté au Met en 2010 dans Aïda, a eu pour la première fois les honneurs d’une retransmission dans les cinémas, honneurs mérités tant la musique de Puccini sied admirablement à ses moyens actuels. Evidemment, à l’écran, les gros plans ne lui permettent pas de passer pour une adolescente, en revanche, lorsqu’elle entre en scène, la cantatrice allège sa voix au point d’émettre des accents juvéniles tout à fait en situation et quand elle affirme avec candeur « Quindici netti netti » on y croirait presque. Au deuxième acte son « Un bel dì vedremo » est chanté avec une grande sobriété et une émotion contenue jusqu’à l’aigu final. C’est au dernier acte que la soprano chinoise donne toute sa mesure, « Tu, tu piccolo iddio » lui arrache des accents poignants et sa mort est d’une intensité dramatique saisissante. Au pupitre Pier Giorgio Morandi propose une direction soignée, sans pathos excessif, théâtralement aboutie.
Le samedi 23 novembre, le Met retransmettra dans les cinémas du réseau Pathé Live, Akhnaten de Philip Glass.