« La musique n’est rien d’autre qu’un bruit de la nature » était un aphorisme de Mahler (rappelé par Henri-Louis de la Grange). Sa troisième symphonie l’illustre à merveille. Bien que très souvent enregistrée, elle est rarement programmée, certainement à cause des effectifs orchestraux et choraux requis : un orchestre pléthorique, des chœurs d’enfants et de femmes, et une voix soliste d’alto ou de mezzo. l’Opéra de Dijon la proposait interprétée par François-Xavier Roth et Petra Lang samedi dernier, 30 janvier.
Le justement célèbre « O Mensch, gib Acht ! », véritable songe éveillé, n’intervient qu’après les trois premiers mouvements dont il constitue l’aboutissement. Pour chanter ce poème du Also sprach Zarathustra de Nietzsche, Petra Lang, singulièrement, se place aux confins de l’orchestre, côté jardin. Sa puissance naturelle l’y autorise : la voix s’inscrit parfaitement dans le tissu orchestral, contenu dans les nuances les plus discrètes, avec de fréquentes sourdines, des cordes divisées, en harmoniques. La douceur extrême de son entrée est fascinante. La conduite de la ligne de la seconde partie est à la fois intense et retenue. Le mouvement suivant, enchaîné, se fonde sur un poème du Knaben Wunderhorn (Es sungen drei Engel) confié au chœur d’enfants, au chœur de femmes et à la soliste. L’orchestre, opulent, bien que privé de ses violons mais enrichi des cloches, va tisser ses étoffes les plus chatoyantes, moirées ou brillantes pour parer le chant. Les voix des chœurs sont fraîches, claires à souhait. Leur cohésion, la joie dont elles sont porteuses (les « Bimm, bamm ») forcent l’admiration. Le texte et l’écriture inspirent Petra Lang. Elle interpelle Dieu, avec l’émotion de la pécheresse qui implore la pitié. Son chant, bien que contenu, traduit parfaitement son flamboiement intérieur. L’égalité des registres, les aigus colorés, naturels, la sincérité sont admirables. Notre grande wagnérienne retrouvera Isolde à Bayreuth en août prochain, sous la direction de Christian Thielemann.
François-Xavier Roth, à la tête de son orchestre, ménage de subtils équilibres. Le son est sculpté, toujours transparent, y compris dans les passages paroxystiques. Cela respire et nous transporte. Heureux auditeurs de Mannheim et de Freiburg qui auront droit au même programme !
Gustav Mahler, 3e symphonie en ré mineur pour alto solo, choeurs et orchestre. Petra Lang (alto), Europa Chor Akademie, Freiburger Domsingknaben, RSO Baden-Baden und Freiburg, François-Xavier Roth (direction musicale). Dijon, Auditorium, samedi 30 janvier 2016, 20 h