Suite à l’interdiction à la télévision du clip promotionnel de « Tous à l’opéra » (voir brève du 30 avril dernier), Jérôme Deschamps ne baisse pas la garde. Dans une lettre adressée à François d’Aubert, Président de l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité), l’ancien directeur de l’Opéra Comique s’insurge contre ce qui lui semble être une atteinte à ses droits d’auteur et d’artiste, refusant catégoriquement qu’on apporte à la vidéo incriminée le moindre changement permettant sa diffusion sur les chaînes de télévision françaises (voir ci-dessous). il semblerait en effet que le clip, édulcoré, ait été diffusé hier pour le moins sur France 3 et France 5.
Interrogé par Le Point à ce sujet, Jérôme Deschamps s’indigne – « On est dans l’absurdité la plus totale » – et raconte la conversation ubuesque qu’il aurait eu avec une une dame au téléphone (sic), représentant – on suppose – l’ARPP : « Quand vous faites des clips [pour la sécurité routière] qui montrent un type bourré qui écrase des gens, vous ne faites pas l’apologie de l’alcool, je crois, non ? ». Réponse de la dame, révélatrice soit dit en passant de la considération des pouvoirs publics pour la culture : « Oui, mais ça c’est pour une grande cause… ». Et l’on s’étonne après des horaires impossibles de diffusion d’opéras à la télévision !
Lettre de Monsieur Jérôme Deschamps à l’intention de
Monsieur François d’Aubert
Président de l’ARPP
Copie :
À Madame Audrey Azoulay
Ministre de la Culture et de la Communication
À Monsieur Jacques Toubon
Défenseur des Droits
À Madame Régine Hatchondo
Directrice générale de la Création artistique
Le 26 avril 2016
Monsieur le Président,
J’ai récemment été sollicité par la R.O.F. afin de réaliser bénévolement la promotion audiovisuelle de l’événement « Tous à l’Opéra » pour l’édition de 2016. Je vous remercie de relever, en passant, qu’il ne s’agit en aucun cas d’un spot « publicitaire ». J’ai proposé, à la différence des éditions précédentes, de réaliser cette promotion avec humour.
On y voit ainsi chez elle mademoiselle Patricia Petibon, réduite à faire le ménage sous le joug de son mari attablé, entouré de boudin, de purée, de vin et de salade qui lui reproche de faire des vocalises pendant son repas et qui se voit renverser sur la tête l’intégralité du saladier par cette merveilleuse chanteuse.
Que nous dit cette promotion ?
« Éloignez-vous de vos conjoints machistes, brutaux, incultes, voire alcooliques qui vous maltraitent, et allez à l’Opéra pour y connaître le bonheur, le paradis. » L’esprit le plus simple aura compris immédiatement qu’il ne s’agit en aucun cas d’une forme d’apologie de l’alcoolisme. Il s’agit pour ma part tout simplement d’une œuvre artistique, dont je vous prie instamment de respecter l’intégralité du contenu.
L’ayant présentée à notre ministre de la Culture et à une partie de la presse qui l’a vivement appréciée, et ayant pris connaissance de l’opposition de l’association que vous présidez à sa diffusion, j’ai saisi Monsieur Jacques Toubon, défenseur des droits, pour que soient respectés les miens en tant qu’auteur et artiste.
Il m’informe ce jour que vous lui avez affirmé que j’avais donné mon accord pour qu’on y apporte des changements à votre convenance, concernant le vin, qui serait mis en valeur, alors qu’il s’agit bien évidemment du contraire. Je vous prie de croire qu’il n’en est rien, que je n’ai donné et ne donnerai aucun accord en ce sens, et je vous demande instamment d’en tenir le plus grand compte. En aucun cas je n’accepterai que soit porté atteinte à mon droit d’auteur.
Il reste que ces images ont été déjà vues par un nombre considérable d’internautes qui en apprécient l’humour et la pertinence, et qu’une décision négative de la part de votre association, si elle devait être définitive, en accentuerait encore le succès, tout autant que le ridicule de ce qui n’est à mes yeux rien d’autre qu’une forme de censure.
Il s’avère donc que la solution est de diffuser ce spot dans le cadre promotionnel qui est le sien, et non dans le cadre publicitaire qui ne lui correspond aucunement.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma considération distinguée.
Jérôme Deschamps