Avec le Projet Goldberg débute officiellement la résidence de Juliette Deschamps à l’Opéra de Montpellier. Séduite par la version des Variations Goldberg enregistrée en 2011 par le pianiste de jazz Dan Tepfer, intriguée par la légende d’une œuvre composée pour apaiser les insomnies et touchée par la spiritualité d’une musique aussi sereine sous la plume d’un homme qui a vu mourir dix de ses enfants, elle explique dans le programme avoir eu l’idée de créer des images qui formeraient un film projeté pendant l’exécution de l’œuvre en direct par le pianiste. Au-dessus du piano un grand écran reçoit la projection des images, tournées en plan fixe, une trentaine au total, autant que de variations. D’abord indistinctes et floues taches claires tremblant sur fond sombre, en passant à la couleur elles montrent un espace aux profondeurs mystérieuses car seulement éclairé par des myriades de cierges qui évoquent aussitôt Era la notte. Des enfants, seuls, à deux, à trois, en groupe (ils sont huit) y prennent la pose, immobiles la plupart du temps, sous ces lumières qui font aussi bien penser aux éclairages de Barry Lindon qu’aux toiles de La Tour, ou Rembrandt, ou Chardin, sans être exhaustif. Certains gros plans recréent jusqu’au vertige le détail de tableaux précis, certains regards plongent directement dans le nôtre comme de troublantes interrogations, et ces images muettes deviennent la trace fugace et poignante des enfants disparus. Est-il utile de le dire, l’effet est maximum quand elles entrent en résonance avec la musique. La performance devient une sorte de rituel où des arts s’unissent le temps de la célébration. Ce n’est pas la moindre des réussites que d’y parvenir avec cette grâce. On attendra avec curiosité et confiance les projets futurs de Juliette Deschamps à l’Opéra de Montpellier, dont un opéra français (titre encore tenu secret) à l’automne 2015.