A n’en pas douter Kelly Hodson a dû lire Les testaments trahis de Milan Kundera pour comprendre avec autant de justesse Katia Kabanova et s’y identifier. C’était vendredi 15 novembre à l’Opéra de Clermont-Ferrand. Le Centre Lyrique d’Auvergne et la Comédie de Clermont-Scène nationale programmaient le chef-d’œuvre de Janacek dans la mise en scène épurée et efficace d’André Engel, créée aux Bouffes du Nord en 2012. Dans son recueil d’essais, l’écrivain tchèque insiste sur la dimension « expressionniste » d’un Janacek où « chaque note étant expression », l’interprète doit leur conférer « une clarté expressive maximale ». C’est précisément là où excelle la jeune soprano canadienne. Elle ne donne jamais dans l’exacerbation du trait et conserve au contraire à son personnage sa fragilité et sa pureté. L’assise de l’aigu lui ouvre une tension dramatique qui ne perd jamais en suavité et l’expression sait être incandescente sans se départir des frémissements qui caractérisent le désarroi du rôle. A ses côtés, Elena Gabouri campe une Kabanicha d’une redoutable perversité, fidèlement suivie par le Tichon parfait de veulerie de José Canales. Jérôme Billy n’a pas davantage à rougir de son Koudriach, pas plus que Céline Laly. Celle-ci, dotée d’une émission claire et directe vit une Varvara à la sensualité comédienne et vocale joliment épanouie. N’oublions pas le crapuleux Dikoj de Michel Hermon. Il nuance de subtiles inflexions un registre de baryton-basse aux graves chatoyants. Saluons enfin la performance de Nicolas Chesneau au piano dans la remarquable réduction signée Irène Kudela. L’écriture de Janacek, déjà extrêmement ramassée, exempte de toute surcharge, gagne encore ici en radicalité. On est au cœur même de cette quête de l’essentiel et de la puissance suggestive tant recherchés par le compositeur.