Krassimira Stoyanova : rappelle-toi, Tatiana !

Krassimira Stoyanova, si grandes soient ses qualités vocales, et Bo Skovhus, malgré tout son abattage scénique, ne sont plus des perdreaux de l’année : c’est peut-être ce constat inévitable qui a servi de point de départ à la brillantissime mise en scène d’Eugène Onéguine conçue par Stefan Herheim pour la fin de saison du Muziektheater d’Amsterdam (restransmise le 23 juin sur Mezzo). Tout l’opéra est conçu comme un flash-back de Tatiana lorsqu’elle retrouve Onéguine. L’épouse du jeune et beau prince Grémine (Mikhaïl Petrenko) est amenée à se repencher sur un passé qui remonte manifestement non plus à quelques années, mais à quelques décennies, distance soulignée par l’opposition entre les costumes « modernes » des invitées du bal chez Grémine et les tenues 1900 de Mme Larina et de Filipievna : la Tatiana quadragénaire qui chante est doublée par une danseuse incarnant la Tatiana de dix-huit ans, et l’héroïne fait constamment le va-et-vient entre les deux époques. Dans la scène de la Lettre, on voit à la fois son lit de jeune fille et son lit conjugal où Grémine est endormi. Le procédé fonctionne admirablement, et sans jamais trahir le texte. Une totale réussite sur le plan scénique, et aussi musicalement, grâce à une distribution presque exclusivement slave (à l’exception de Guy de Mey, réjouissant Monsieur Triquet), emmenée par la baguette de Mariss Jansons. [LB]