« Ce rôle lui va si bien », écrit Thierry Verger à propos de Madame Butterfly chantée cette année par Ermonela Jaho au Festival d’Aix-en-Provence. De fait, nulle mieux que la soprano albanaise en geisha puccinienne pour tirer des larmes au plus sec des cœurs, elle qui lors d‘un entretien avec Antoine Brunetto avouait chanter « comme si c’était la première et la dernière fois ».
Tel serait donc le secret d’une interprétation qui, au fil des ans, conserve intact son pouvoir émotionnel : un investissement sans limite, un don de soi inconditionnel, une immersion jusqu’au-boutiste, au plus profond du personnage et de la partition. Certes, mais à regarder sur Arte Concert la retransmission d’une de ces représentations aixoises* ou visionner sur le Web des extraits partagés de ci, de là, telle cette scène finale captée à Avignon en 2013, où Butterfly se donne la mort reliée à son fils par une longue bande d’étoffe en forme de cordon ombilical, on se dit qu’il y a plus qu’un engagement absolu, plus qu’un chant agrippé au texte, qu’un souffle inépuisable ou qu’un de ces aigus filés auxquels nous sommes si sensible. Il y a la fusion, a priori inconciliable, de puissance – dans la projection – et de fragilité – dans la silhouette et dans les registres grave et médian de la voix – qui est l’essence même de Butterfly, vulnérable et obstinée jusqu’au sacrifice. Et à chaque fois, inévitablement, la gorge se serre…
* disponible jusqu’au 13 juillet 2025