Le spectateur de La Création, dimanche soir, 23 mars, dans la grande salle du palais des Beaux Arts de Bruxelles ressent d’abord de la frustration : pas le moindre dispositif de surtitrage n’est prévu. Pour un oratorio où Haydn s’est attaché à rendre toutes les subtilités du récit de la Genèse, c’est un comble ! Mais bien vite, la déception disparaît, parce que Philippe Herreweghe offre une lecture parfaitement illustrative, où rien n’échappe à l’auditeur : que ce soit l’écoulement des fleuves, la marche du soleil, les flocons qui tombent, les agneaux qui gambadent, tout est rendu avec un réalisme saisissant par un orchestre des Champs-Elysées aux timbres idéalement agrestes. Plus besoin de se fatiguer à suivre un texte, quel qu’il soit, lorsque la musique parle avec une telle évidence. Le chœur du Collegium Vocale, on l’a dit et redit, est un des meilleurs du monde. L’entendre habiter La Création avec une telle ferveur, une telle précision, un tel engagement est un bonheur constant, qui nous fait oublier les masses pachydermiques qui ont défiguré trop de versions passées. Les solistes sont un peu plus inégaux : Christina Landshamer a une voix ravissante, mais pas toujours l’ampleur demandée par Haydn, et la seconde partie du concert la voit parfois en difficulté. Le ténor Maximilian Schmitt est lui à son aise sur toute sa tessiture, mais se fait damer le pion par la basse Rudolf Rosen. Une étoile est née ce soir : timbre noble, présence scénique rayonnante, diction au laser, justesse absolue. Certains ont cru entendre la voix du Créateur lui-même. On nous promet un enregistrement pour très bientôt, avec les mêmes protagonistes. Nous sommes à l’affut. [Dominique Joucken]
Joseph Haydn, La Création, avec Christina Landshamer (soprano), Maximilian Schmitt (ténor) Rudolf Rosen (basse), Collegium Vocale, Orchestre des Champs-Elysées, dir. : Philippe Herreweghe. Palais des Beaux Arts de Bruxelles, le 23 mars 2014, 20h.