De retour à Bastille avec une nouvelle distribution, cette production qui a déjà fait couler beaucoup d’encre faisait, comme il se doit, salle comble en ce mardi de première. En 2014 dans nos colonnes, Catherine Jordy saluait haut et fort la création de La Flûte enchantée mise en scène par Robert Carsen à Baden-Baden et Laurent Bury manifestait le même enthousiasme lors de la venue du spectacle à Paris ; en avril 2015 Sonia Hossein-Pour exprimait son insatisfaction quant à cette reprise à l’Opéra Bastille. À notre point-de-vue, bien que frôlant souvent l’ennui durant les récitatifs et flottant dans un espace bien trop grand pour que la fusion entre l’orchestre et les chanteurs ait vraiment lieu, le travail minutieux, du metteur-en scène canadien, avec ses images fortes, ses magnifiques éclairages, son point-de-vue philosophique longuement réfléchi, son humour subtil, souvent corrosif… laissait d’autant plus admiratif que la nouvelle distribution de cette Flûte servait le chant mozartien avec grand talent.
Aux côtés de l’excellent ténor français Julien Behr en Tamino, la Pamina de la soprano suédoise Camilla Tilling charmait par son timbre ravissant, son émission franche, sa passion et sa spontanéité. Si le premier air de la Reine de la nuit semblait assez fade, Olga Pudova, avec son medium d’airain et ses aigus meurtriers a su faire de l’air du deuxième acte plus qu’un exploit vocal — un véritable moment de théâtre. En Sarastro et Monostatos, Dimitry Ivashchenko et Michael Laurenz étaient, l’un et l’autre, vocalement intéressants et dramatiquement efficaces. Les trois dames et les trois garçons pimentaient la représentation de leurs tessitures entremêlées. Vainqueur à l’applaudimètre, Bjorn Bürger, troupier à l’Opéra de Francfort, campait un solide et facétieux Papageno. Assurément pour ce talentueux jeune baryton, voilà des débuts éclatants à l’Opéra de Paris.
Mozart, La Flûte enchantée – Mise en scène : Robert Carsen – Direction musicale : Patrick Lange, 10 représentations du 26 mai au 28 juin