« Un livre sur la musique écrit avec musique » : le slogan promotionnel de Musique, ouvrage de Michel Serres que viennent de publier au format poche les Éditions Le Pommier, ne raconte pas des craques. La prose de l’auteur de Petite Poucette est magnifique. Durant une centaine de pages, elle court, libre, variée, surprenante, mélodieuse, inépuisable, savante, ornée mais toujours limpide, élégante, prolixe, enchanteresse… On s’épuiserait à chercher des adjectifs pour la qualifier quand un seul les résume effectivement tous : musical.
Ces mots choisis et assemblés avec un art digne des meilleurs écrivains parlent donc de musique. D’où jaillit la musique ? Comment la définir ? Le philosophe se veut conteur. Pourtant, la réponse à ces questions ne retiendra l’attention que des esprits épris d’abstraction. Trois chapitres – le premier s’attache à Orphée, le deuxième à l’auteur lui-même, le troisième à la bible – forment une suite de considérations si intelligentes qu’on en perd le fil. Et si le propos n’était que prétexte à imiter un art dont l’auteur répète à juste titre qu’il est inimitable ?
« La musique n’est pas un savoir, mais un puits d’où sortent toutes les inventions possibles ». On s’accroche à quelques formules saillantes tel l’alpiniste tentant d’agripper l’arbuste pour retenir sa chute. L’amateur d’opéra ne trouvera là que peu de références au sujet qui l’occupe, lui qui pourtant ne conçoit la musique qu’accompagnée de mots.