Alors que des nuages lourds de menaces s’amoncellent sur le monde civilisé, l’Opéra de Dijon développe une thématique particulièrement courageuse et opportune : « Résistance par les arts ». En dehors de la mémoire de la Shoa, les ouvrages présentés n’apparaissent que rarement. Dépassant ce cadre et les replaçant dans leur contexte, un audacieux programme est offert à tous les publics. Ainsi, l’opéra pour enfants Brundibár, de Hans Krása, qui rencontre actuellement un grand succès, en est-il le préambule. Confié à de jeunes interprètes de la Maîtrise, et à des instrumentistes tchèques, sous la direction d’Etienne Meyer, cet ouvrage très frais, réécrit à Terezin, bénéficie d’une mise en scène fort bien venue, de Christian Duchange. Le conte peut être lu comme la résistance des faibles et des opprimés. Ces derniers, après l’humiliation et les souffrances, l’emporteront sur le tyran brutal. Un régal, pour petits et grands.
Der Kaiser von Atlantis, de Viktor Ullmann, est aussi une fable : la Mort ne peut suivre le rythme imposé par l’Empereur et finit par abdiquer. Sujet bouleversant lorsque l’on sait que l’opéra fut composé à Terezin et que son créateur et ses interprètes seront déportés à Auschwitz d’où ils ne reviendront pas. Cet ouvrage en un acte sera dirigé par Mihaly Zeke avec les jeunes solistes de l’Académie de l’Opéra, dans la première mise en scène lyrique de Benoît Lambert. Les quatuors Pavel Hass et Bennewitz, héritiers des Talich et Prazak, s’inscriront dans la même démarche. Les salles traditionnelles, mais aussi des lieux variés les accueilleront (maison d’arrêt, centre commercial, écoles et collèges…). Un concert-lecture avec le quatuor Bennewitz, autour de textes écrits par ces anonymes qui tentèrent de faire droit à quelques instants de bonheur au milieu de l’horreur, sera suivi de La guerre des salamandres, chef d’œuvre de la littérature tchèque, à l’humour dévastateur. Des moments rares en perspective.
Dijon, Opéra (Auditorium et Grand-Théâtre), du 11 au 21 mars 2015