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La Walkyrie à Londres : une soirée mémorable

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Brève
30 octobre 2018
La Walkyrie à Londres : une soirée mémorable

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Pour sa première retransmission de la saison dans les cinémas, le Royal Opera House de Londres a choisi La Walkyrie, deuxième volet du Ring de Richard Wagner. Les deux premiers actes se déroulent dans un décor de fin du monde signé Stefanos Lazaridis, qui représente l’intérieur d’un manoir de style victorien en ruines. Au fond, une baie vitrée dont une partie a volé en éclats. Sur le sol, noir comme les parois, des débris calcinés. Une table rectangulaire, des chaises et une méridienne en cuir noir élimé constituent le mobilier. Une échelle conduit à une pièce triangulaire aux murs rouges avec au plafond un ventilateur à pales, sans doute la chambre de Sieglinde qui disparaîtra à l’acte deux. Une gigantesque spirale en acier semble suspendue dans les airs, on la retrouve au troisième acte où elle s’embrase pour figurer de façon spectaculaire le bûcher de Brünnhilde au-dessus duquel tourne le ventilateur de l’acte un. La chevauchée des Walkyries montre les déesses tenant à bout de bras des crânes de chevaux devant un mur gris qui pivotera pour laisser apparaître le bûcher. Dans cet univers étrange et glauque, Keith Warner propose une direction d’acteurs rigoureuse et précise qui met en lumière les relations entre les personnages jusque dans les expressions des visages, les gros plans étant nombreux au cours de cette diffusion.

Côté masculin, la distribution est d’un niveau remarquable. La richesse du timbre et la profondeur de la voix d’Ain Anger, sa présence scénique sidérante, lui permettent de camper un Hunding impressionnant, hautain et sarcastique. John Lundgren dispose d’une voix virile et d’une dynamique qui l’autorise à alterner des aigus puissants lorsqu’il affirme son autorité et des demi-teintes impeccables, par exemple dans la deuxième partie de ses adieux à Brünnhilde «Der Augen leuchtendes paar » susurrée comme un lied avec une intense émotion. Le baryton-basse suédois, qui chantait déjà le rôle l’été dernier à Bayreuth, compose un Wotan complexe, impulsif et torturé. Une incarnation saluée par une ovation méritée au rideau final. Stuart Skelton qui effectuait des débuts tardifs sur la scène du ROH prouve s’il en était besoin qu’il est l’un des grands Siegmund du moment. Son timbre clair, l’insolence de ses moyens qui lui permettent de lancer à pleine voix des «  Wälse » longuement tenus, son incarnation tout en nuances qui exprime tour a tour l’angoisse, la passion, la colère qu’éprouve son héros ont conquis le public qui lui a réservé un accueil enthousiaste.

Côté féminin, on passera sur la Sieglinde aux aigus durcis d’Emily Magee qui peine à émouvoir. Elle sauve cependant les meubles au troisième acte dans son ultime réplique « O hehrstes Wunder » chantée avec ferveur et une ampleur vocale convenable. Dans sa robe rouge  fin de siècle qui lui donne des allures de grande bourgeoise coincée Sarah Connolly campe une Fricka acerbe et intraitable avec une voix aux inflexions vipérines qui passe bien la rampe, au cinéma du moins. Mais c’est la Brünnhilde éblouissante de Nina Stemme qui restera longtemps dans la mémoire des spectateurs. Au sommet de ses moyens la soprano suédoise propose une incarnation tout à fait accomplie. On ne sait qu’admirer le plus, sa santé vocale à toute épreuve, sa compréhension aigüe du texte, son jeu intense, son art de faire passer toute la gamme des émotions de son héroïne dans sa voix et sur son visage, ses adieux poignants enfin, qui nous laissent pantois.                

Dès le prélude, avec ses contrebasses et ses violoncelles percutants, on devine que la soirée va être passionnante, Antonio Pappano maintient un rythme soutenu tout au long de la représentation, sachant ralentir lors des épanchements amoureux et tirer de superbes couleurs de son orchestre. On regrette d’autant plus les quelques fausses notes qui ont entaché cette direction extrêmement aboutie.

Le 22 janvier 2019 le Royal Opera House retransmettra dans les cinémas une nouvelle production de La Dame de pique de Tchaïkovski.

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Nina Stemme © Bill Cooper

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