Fidèle à ses habitudes, le label Myto vient d’exhumer une œuvre bien oubliée : Die Bürger von Calais, de Rudolf Wagner-Régeny (1903-1969), qui fut notamment l’élève de Franz Schreker. Entre 1928 et 1963, il composa une douzaine d’œuvres lyriques, la moins méconnue étant peut-être l’oratorio scénique Prometheus (1959). Caspar Neher, décorateur célèbre pour sa collaboration avec Brecht, écrivit pour Wagner-Régeny les livrets de plusieurs opéras, dont celui de Die Bürger von Calais, composé de 1936 à 1938 et créé à Berlin en janvier 1939, sous la direction de Karajan, avec notamment Marta Fuchs. Le nouvel opéra fut pourtant retiré de la scène au bout de six représentations : si le régime nazi approuvait le thème patriotique d’individus prêts à se sacrifier pour sauver la communauté, il n’appréciait guère le pacifisme desdits patriotes. Vaguement inspiré d’une pièce de l’expressionniste Georg Kaiser, le livret de Neher coïncidait mal avec « la Weltanschauung de la nouvelle Allemagne » ; quant à la musique de Wagner-Régeny, la partition avec ses deux saxophones alto incluait des réminiscences inacceptables de la musique de Stravinsky, de Hindemith ou de Weill. Le pire serait atteint à Vienne en 1941 avec Johanna Balk, qui devait susciter la colère de Goebbels et valoir au compositeur un enrôlement immédiat dans l’armée. Trois rôles féminins, un chœur très présent, qui commente l’action, des passages qui rappellent L’Opéra de quat’ sous ou Mahagonny… Voilà une œuvre dont le sujet français et la modernité tempérée pourraient tenter les plus audacieuses de nos maisons d’opéra hexagonales. [LB]
2 CD Myto 00285, concert enregistré le 18 mars 1958, avec le Rundfunkchor et le RundfunkSinfonieorchester de Leipzig, dirigés par Herbert Kegel
