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Les contre-ténors pour les nuls

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Brève
6 mai 2013
Les contre-ténors pour les nuls

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« En 1994, la sortie du film Farinelli propulse les contreténors sur le devant de la scène. » On a beau s’appeler Naïve, il y a des limites à l’ingénuité. Difficile de ne pas s’insurger en découvrant les premières lignes du livret qui accompagne ce florilège baptisé Les contre-ténors : comme si James Bowman, Paul Esswood, Gérard Lesne, Jochen Kowalski, Michael Chance ou Jeffrey Gall avaient attendu le biopic de Gérard Corbiau pour briller sous les feux de la rampe. Les voix de cristal, première anthologie du genre, sortait d’ailleurs en 1993 et, contrairement à ce qu’affirme l’éditeur, Derek Lee Ragin ne s’est pas fait connaître en prêtant son concours au savant montage de l’Ircam. Sa carrière avait débuté dix ans plus tôt (Innsbruck, 1983), il chantait déjà au Met en 1988 (Giulio Cesare) et au Festival de Salzbourg deux ans plus tard (Orfeo ed Euridice) et avait enregistré, pour ne citer que les ouvrages lyriques, Tamerlano (Gardiner, 1985), Flavio (Jacobs, 1989), Giulio Cesare (Jacobs, 1991), Orfeo ed Euridice (Gardiner, 1991), Teseo (Minkowski, 1992) et Scipione (Rousset, 1993) quand Gérard Corbiau fit appel à lui et à une soprano colorature pour évoquer les prouesses surhumaines de Farinelli.

Cependant, Le Temps des castrats (EMI), un coffret lui aussi exclusivement consacré aux falsettistes (avec Moreschi en bonus), paraissait fort opportunément au printemps 1994 alors que l’excellente parodie des « Trois ténors » d’Andreas Scholl, Dominique Visse et Pascal Bertin (Harmonia Mundi) voyait le jour l’année suivante. Le succès planétaire de Farinelli, qui remporta le Golden Globes Award du meilleur film étranger en 1995, a suscité un regain d’intérêt pour la figure du castrat auprès du grand public dont les contre-ténors ont amplement profité, non pas tant à cause de la participation de Derek Lee Ragin, mais parce qu’ils avaient déjà commencé à s’approprier le répertoire des contraltistes. Bien qu’elle appelle des nuances, l’assertion péremptoire qui nous avait d’abord heurté pourrait donc avoir quelque fondement. Si Philippe Jaroussky jouit à l’heure actuelle d’une notoriété sans commune mesure avec celle de ses plus illustres prédécesseurs, un tel succès n’aurait peut-être pas été possible sans le triomphe de Farinelli. Plus largement, l’album Vivaldi de Cecilia Bartoli aurait-il pulvérisé les records de vente si le film n’avait pas suscité un engouement durable pour l’âge d’or du bel canto ? Reste que vingt ans plus tard, la présence d’un contre-ténor à l’affiche d’une production est à ce point devenue banale que cette compilation arrive un peu comme les brigands d’Offenbach.

James Bowman s’y est également pris un peu tard pour enregistrer Giulio Cesare («Va tacito e nascosto » privé de ressort par la direction poussive de Malgoire et les baisses de régime du chanteur) et l’Orfeo ed Euridice de Gluck (« Che faró senza Euridice ? » dans une version prétendument « mythique »), même si la beauté du grain demeure inaltérée. Dans la catégorie poids plumes, son jeune et talentueux compatriote, Iestyn Davies, s’avère autrement dégourdi (« La rondinella amante » de La Griselda). Ce n’est pas pour son Purcell affecté et surchargé (« O Solitude ») que nous avons plaisir à retrouver Gérard Lesne, mais parce qu’il possède la plus riche voix d’alto masculin de sa génération (« Can she excuse » [Dowland] lui va nettement mieux). Celle de Dominique Visse serait, toujours selon le livret, « mordante et lègèrement piquante » dans l’air du Motezuma de Vivaldi « Gl’oltraggidella sorte », aimable euphémisme, en vérité, pour le plus râpeux et le moins céleste des contre-ténors qui, hélas, ne peut laisser libre cours à son irrésistible vis comica. Mezzo ailé au cristal sopranisant, Jaroussky aborde avec trop de facilité l’ascension du « Cum dederit » (le Nisi Dominus de Vivaldi est écrit dans une tessiture d’alto) où il évolue en apesanteur, comme dans le « Sol da te, mio dolce amor » de Ruggiero, d’une ensorcelante douceur. Malgré la vigueur de l’expression, les Bach du jeune Andreas Scholl (airs des cantates BWV 85 et 175 enregistrées en 1994) entretiennent aussi le mythe, tenace, de l’ange, de même que l’instrument lumineux, mais encore fragile de David DQ Lee (l’attaque pianissimo de certains aigus), qui interprète ici un air de l’Orlando 1714 de Vivaldi récemment gravé par Federico Maria Sardelli. En bonus, l’ébouriffant « Son qual nave che agitata » (Broschi) par la chimère hermaphrodite de Farinelli (Ragin et Mallas-Godlewska). [Bernard Schreuders]

Les contre-ténors. Oeuvres de Bach, Broschi * Charpentier, Dowland, Gluck, Haendel, Purcell et Vivaldi – James Bowman, Iestyn Davies, David DQ Lee, Philippe Jaroussky, Derek Lee Ragin et Ewa Mallas-Godlewska*, Gérard Lesne, Andreas Scholl et Dominique Visse; orchestres et ensembles divers. NAIVE

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