D’entrée de jeu, Laurent Brethome lève le voile sur l’ambivalence de l’existence dans sa mise en scène de l’Orfeo de Monteverdi redonné vendredi 11 octobre à l’Opéra de Vichy après sa création à Bourg-en-Bresse il y a une semaine et sa reprise à Bruxelles et Saint-Etienne. En effet l’efflorescence de ballons multicolores apparait comme ce symbole trop parfait du bonheur. Car le cadre bucolique ou s’unissent Orphée et Eurydice est aussi le lieu de l’accomplissement de leur tragique destin. La fête va basculer dans le drame au milieu des « fleurs » qui s’envolent une à une lorsque Silvia la Messagère, émouvante Angelica Monje Torrez, vient annoncer la mort de l’héroïne piquée par un serpent. Production réunissant solistes, chœur et orchestre de l’Académie baroque d’Ambronay cet Orfeo est aussi un hymne à la jeunesse : celle des interprètes d’abord mais également celle de cette œuvre emblématique de la naissance du théâtre lyrique dont la puissance symbolique est toujours aussi opérante. Deux exceptions professionnelles pour fertiliser cette pépinière de talents : un Leonardo Garcia Alarcon à la direction énergique et attentive à traduire la richesse des timbres de l’instrumentarium, et le ténor Fernando Guimarães. Ce dernier confère au rôle-titre la juste envergure du personnage entre la fraîcheur du transport amoureux de l’acte I et la longue et poignante déploration monodique devant le deuil à l’acte II, jusqu’à sa révolte finale devant la perte irrémédiable de l’être aimé. Mais Guimarães a soin de ne jamais abuser de son talent par respect pour ses jeunes condisciples. Lesquels défendent crânement leur potentiel vocal et n’accusent à aucun instant de flagrantes disparités avec leur aîné plus aguerri. A l’image de la très convaincante Musique de Francesca Aspromonte, ou du très crédible nocher Caron de Iosu Yeregui ou encore du Pluton redoutable de noirceur de Yannis François. Tous conjuguent l’excellence de la technique à des dispositions comédiennes prometteuses. On n’oubliera pas davantage les prestations de Claire Bournez en Proserpine, et l’autorité de Riccardo Pisani en Apollon. [Roland Duclos]