Les Quatre Derniers Lieder avec piano, est-ce bien raisonnable ?

Substituer un simple piano (et un seul pianiste) à l’orchestre opulent voulu par Strauss ses Quatre Derniers Lieder, Barbara Bonney l’avait osé au disque avec Malcolm Martineau, Waltraud Meier l’a parfois risqué en concert. Voilà que Christiane Oelze s’y essaye à son tour. Cette soprano allemande est loin d’être inconnue du public français : on l’a entendu à l’Opéra de Paris en comtesse des Noces et en Marenka de La Fiancée vendue, mais ses apparitions sur les scènes se font rares, et elle semble désormais se réserver au concert (elle était en tournée en région parisienne en janvier 2012 avec l’Exsultate jubilate de Mozart et la Quatrième Symphonie de Mahler). Son disque straussien propose un parcours chronologique à travers l’œuvre du compositeur (à l’exception du brévissime « Xenion » qui ouvre le programme et qui date en fait de 1942). On y trouve un juste équilibre entre les tubes (« Ständchen », « Cäcilie », « Morgen ») et les relatives raretés comme « Blauer Sommer » ou le très exigeant « Befreit ». Quant aux Quatre derniers Lieder dans leur version avec piano, arrangée par Max Wolff et Ernst Roth, on est d’abord surpris par la rapidité du tempo adopté et, malgré tous les efforts du Schneider, la maigreur du piano déconcerte l’oreille habituée aux splendeurs de l’orchestre, mais c’est surtout le manque de séduction et de subtilité du chant qui étonne, de la part d’une Christiane Oelze, voix saine mais à la quelle on reproche souvent, à juste titre, un certain manque de personnalité, une palette de couleurs assez limitée. Autrement dit, c’est un exercice qu’il vaut sans doute mieux réserver aux grandes. [Laurent Bury]