Un roman d’une truculence rabelaisienne situé dans le monde de l’opéra, comment refuser une telle proposition ? Si vous ne saviez pas encore que, outre de très sérieux ouvrages musicologiques, les éditions Symétrie publient aussi de la fiction, L’Epopée Despieds est l’occasion rêvée de le découvrir. Grand amateur de calembours et de contrepèteries, Patrick Alliotte connaît bien son Offenbach, surtout La Belle Hélène, et le texte de son roman est truffé d’allusions au paroles conçues par Meilhac et Halévy, mais il multiplie aussi les allusions plus ou moins explicites, à Hérodiade (« astre étincelant que l’infini promène ») ou au Cid de Massenet (« Je la pénétrais en souriant de mon regard d’enfant pur comme une noble lame »), à Aida (« una poltrona vicino al sol »). La réplique d’Arkel « N’aie pas peur de mes vieilles lèvres » fait l’objet d’un réemploi délicieusement gaulois. Il s’agit aussi, en partie, d’un roman à clef : l’on reconnaîtra aisément le baroqueux « Jean Moque-Lagloire », on devine quel nom se cache derrière celui de Gaston Dauphin, directeur de l’opéra d’Avignon, « chef des mammouths lyriques », et il ne faut pas non plus être grand-clerc pour identifier Archange Papier, illustre Scarpia reconverti dans l’opérette sur ses vieux jours, « être de prime abord bourru, parfois graveleux et toujours truculent ». Au détour d’une intrigue rocambolesque, Patrick Alliotte propose aussi quelques remarques bien senties où il dit son amour de la musique française des XIXe et XXe siècles, notamment « l’éternel méconnu Emmanuel Chabrier » : « Je cherchais dans de vieux enregistrements la couleur idéale des orchestres français. La parfaite couleur, celle des orchestres de Monet, Caillebotte, Pissarro, Dufy… je m’étonnais que mes compatriotes puissent être si fiers de leurs peintures et presque honteux de leur musique ». A consommer sans modération.
Patrick Alliotte, L’Epopée Despieds, roman, 222 pages, éditions Symétrie, 10 euros