Premier essai pour la deuxième distribution de Lohengrin hier soir à l’Opéra Bastille. Les trois grandes star qui avaient fait du début de la production une volée exceptionnelle de représentations sont parties vers d’autres engagements. Que reste-t-il après la tempête médiatique qui secoua ce nouveau Lohengrin?
Passons sur la mise en scène de Claus Guth, déjà commentée et analysée avec brio dans un précédent article. Le décor est toujours aussi beau, les personnages toujours aussi précisément dessinés, le concept toujours aussi intéressant (et les apparitions des enfants toujours aussi questionnables).
La première nouvelle tête est couronnée : le roi Heinrich campé par Rafal Siwek est poli et altier. La tessiture aiguë manque de brillance mais les interventions restent homogènes. Egils Silins (déjà présent dans la première distribution) montre qu’il possède toutes les capacités pour assumer le Heerrufer, sorte de prolongement dans l’aigu et dans les décibels de la voix du roi. Le Telramund de Tomasz Konieczny était annoncé souffrant, lui qui avait remplacé un Wolfgang Koch également enrhumé pour la première. Pourtant, la voix est toujours aussi seyante au personnage métallico-machiavélique (malgré quelques soucis de voyelles trop homogènes). C’est cependant avec Michaela Schuster en Ortrud que l’on fait réellement grimper le potentiomètre. Si quelques aigus sont un peu vacillants (la tirade du 3ème acte), tout est rattrapé par une projection phénoménale et un art de la scène glaçant.
Prenant la place de Martina Serafin, Edith Haller dévoile une Elsa très lyrique, voire même trop dramatique pour dépeindre la jeune fille voulue par Wagner. En revanche, une présence scénique simple et émouvante vient rééquilibrer la balance et nous offre un personnage beau et cohérent.
Passer après l’évènement Kaufmann était presque une vacherie. Heureusement que Stuart Skelton n’en est pas à sa première incursion dans le répertoire wagnérien. Le chevalier au cygne qu’il nous brosse est très poétique et musical, sachant aussi faire preuve de poigne quand il le faut. Vocalement, le ténor aura joué toute la soirée sur une corde tendue. D’un côté, de très beaux moments illuminent sa représentation: le début de « In fernem Land », ses adieux aux cygne dans le 3ème acte. En revanche, la tessiture aiguë en registre piano semble lui poser des problèmes tout au long de la représentation, et la voix arrive à ses limites à l’annonce de son nom.
Les interventions du chœur préparé par José-Luis Basso sont très solides. Malgré encore quelques incertitudes pour le début de la deuxième scène du deuxième acte, le reste de la performance nous montre un équipe en plus grande forme.
Philippe Jordan sculpte la musique de Wagner en architecte gothique. Le sens de la forme est très maitrisé, et l’on reconnaît le péché mignon du chef à mettre en relief les curiosités orchestrales. Il faut en revanche attendre le milieu du 2e acte pour sentir un vrai lyrisme s’installer, ce qui n’empêchera pas le directeur musical de remporter l’applaudimètre d’une salle comble.