La Fondation Louis Vuitton propose jusqu’au 2 avril 2024 une rétrospective de l’œuvre du peintre américain Mark Rothko. Chacun des tableaux exposés, notamment dans les dernières salles, se veut expérience immersive, à condition de « prendre le risque d’entreprendre le voyage » – ce que certains visiteurs, hissés au rang de co-créateurs comme le souhaitait Rothko, tentent assis sur le sol, perdu dans la contemplation profonde des toiles, comme happés par l’empilement gigantesque de rectangles colorés. « Si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi. », écrivait Nietzche. La Naissance de la tragédie était un des livres de chevet de Rothko.
Certains soirs*, Unity Fields II, une œuvre composée pour l’occasion par Max Richter, ajoute une dimension supplémentaire à la visite. La diffusion obsessionnelle de la même séquence musicale dans tous les espaces rend l’expérience mystique. L’intervention sporadique d’une vingtaine de musiciens de l’orchestre Le Balcon, répartis dans les galeries par pupitre – violoncelle, voix, violons… –, applique sur ce décor sonore une nouvelle couche en forme de happening. Est-ce bien utile ? L’oreille atteint vite son seuil de saturation. Au fil de la déambulation cependant, plongé dans une pénombre où chaque œuvre devient apparition et chaque visiteur silhouette fantomatique, s’instille une impression étrange, une sorte d’avant-gout de l’au-delà dont on laisse à chacun le soin de décider s’il est enfer, purgatoire ou paradis.
* Les 23 et 25 novembre 2023, les 25 et 26 janvier 2024 et les 21 et 22 mars 2024 (plus d’informations). Trois autres pièces de Max Richter, dont Unity Fields I, création mondiale inédite pour orchestre, piano et électronique, sont proposées en concert dans l’auditorium les 24 novembre 2023, 24 janvier et 20 mars 2024.