Mattiwilda Dobbs, souvenez-vous !

Sa voix pure, agile et fraîche de soprano léger a enchanté les plus âgés. Mattiwilda Dobbs nous a quittés, à 90 ans, au début de ce mois. Elle aimait dire combien elle devait à son père, postier sur la ligne ferroviaire Atlanta-Nashville, animé par la volonté de donner la meilleure éducation à ses six filles, malgré les handicaps liés à la ségrégation. Ainsi emprunte-t-il dans le Tennessee les livres refusés par la Georgie raciste, ainsi apprend-elle le piano et chante-t-elle dans le choeur de son école. Elle remporte le prix Marian Anderson, puis une bourse pour Tanglewood. Enfin, c’est Pierre Bernac qui durant deux ans va lui permettre de prendre son envol. Elle enregistre Les Pêcheurs de perles avec René Leibowitz (toujours disponible en CD) et remporte le Concours de Genève, devant Teresa Stich-Randall, en 1951. Commence alors sa carrière européenne. Karajan l’appelle à la Scala. Tous les rôles de soprano léger y passent, mais aussi les récitals où Schubert et Milhaud, Roussel, Stravinsky voisinent. Le MET l’engage en 1956 avec le premier contrat de longue durée accordé à une chanteuse noire. Le monde entier, y compris le Bolchoï , l’acclame. Sa carrière culmine en 1962. Elle quittera la scène en 1974, se consacrant à l’enseignement. Olympia, Elvira, Zerbinette, Gilda, Lucia, et tant d’autres doivent être tristes d’avoir perdu une interprète de cette qualité.