La carrière de Schafer s’est toujours déroulée à l’écart du cercle très fermé de la musique contemporaine. La France le connaît avant tout pour ses écrits qui théorisent le rapport musique/nature. Il forge en 1977 la notion de « paysage sonore » dans son ouvrage The Tuning of the World. Il s’y interroge sur la pertinence du compositeur qui évolue dans l’œuvre préexistante qu’est l’environnement qui nous entoure : « Nous sommes les compositeurs de cette immense et miraculeuse composition qui se joue autour de nous, et nous avons le choix de l’améliorer ou de la détruire. Nous pouvons y ajouter du bruit ou des sons magnifiques ».
Compositeur prolifique, Schafer se rend célèbres pour ses pièces à jouer en pleine nature : Music for Wilderness Lake est écrite pour 12 trombonistes rassemblés autour d’un plan d’eau, et son opéra The Princess of the Stars, interprété au bord d’un lac, doit coïncider avec le lever du soleil sur celui-ci. Par son éclectisme, son langage défie les canons et catégories de l’époque. Il témoigne autant d’un intérêt pour les techniques de composition européennes (aléatoire, théâtre musical, électronique) que pour des modes d’expression plus divers (large part de l’improvisation, notation graphique…). On reconnaît d’ailleurs dans ses partitions sa carrière avortée de peintre : elles sont de petits bijoux de calligraphie et de dessin, et il n’est parfois absolument pas nécessaire de lire la musique pour pouvoir les déchiffrer.
En 1987, il est le premier récipiendaire du prestigieux Prix Glenn Gould. Le président du jury (un certain Yehudi Menuhin) rend hommage à « une imagination et un intellect forts, bienveillants, et hautement originaux ; à une puissance dynamique dont les expressions et aspirations personnelles multiples sont en accord total avec les besoins et rêves de l’humanité aujourd’hui ».