Mort du metteur en scène Peter Brook (1925-2022)

Le metteur en scène britannique Peter Brook est décédé le 2 juillet dernier à Paris, à l’âge de 97 ans. Tenter de résumer ses 80 ans de carrière en quelques lignes serait un pari perdu d’avance, tant cet artiste fut un boulimique du travail qui ne négligeait ni le cinéma ni l’écriture mais se vouait avant tout au théâtre, sous toutes ses formes : Shakespeare et Anouilh, Sénèque et Cocteau, Ibsen et Beckett, Tchekhov et Genet ont été pour ce théoricien de « l’espace vide » une formidable matière brute à partir de laquelle il pouvait à loisir créer sans fioritures, façonner des personnages ambigus, exposer les situations dans leur plus nue vérité. L’opéra, avec ses paroxismes d’émotion et son décorum parfois chargé, ne pouvait que l’intriguer. Il s’y penche dès 1948, à Covent Garden, avec La Bohème, Les Noces de Figaro et, surtout, une Salome de Strauss mythologique, avec Ljuba Welitsch dans des décors de Salvador Dali. Suivent, pour le Metropolitan Opera de New York, Eugène Onéguine et Faust. Installé depuis les années 1970 au Théâtre des Bouffes du Nord, il se lance dans une ambitieuse Tragédie de Carmen voulant dépouiller de son folklore l’héroïne de Bizet et Mérimée pour mieux faire saillir l’âpreté de son destin. De même, son Don Giovanni aixois en 1998 guette, sous l’apparente spontanéité du théâtre de tréteaux, la violence et la cruauté de protagonistes à vif. Et qu’à cette occasion se soient succédé, dans la fosse, le célébrissime Claudio Abbado et le tout jeune Daniel Harding n’a pas dû déplaire à cet humaniste en quête permanente de surprises et de nouvelles rencontres. Mozart, encore, sera le compagnon de route d’un des derniers spectacles originaux de Peter Brook, Une Flûte Enchantée, créée aux Bouffes du Nord en 2011.