Elena Mosuc © DR
Il semblerait que quelques degrés se soient perdus dans le voyage de la Norma de Vincenzo Bellini en version de concert proposée par Evelino Pidò, entre Lyon et Paris vendredi soir dernier, 15 novembre. L’enthousiasme s’est sensiblement refroidi. Remarquez, ce n’est pas la première fois que l’on observe le phénomène : Dmitry Korchak mentionnait récemment dans ces mêmes colonnes au sujet d’Otello et des Puritains qui ont effectué la navette les années précédentes, une ambiance plus chaleureuse à Lyon qu’au Théâtre des Champs Elysées. Non pas que l’on ait passé une mauvaise soirée, loin de là, mais certaines insuffisances ou imperfections semblent davantage ressortir.
John Osborn, déjà Pollione dans l’intégrale avec Cecilia Bartoli, laisse circonspect. Parfait de tendresse et de douceur dans « Vieni in Roma » (un moment en apesanteur) il apparaît bien falot ailleurs, malgré une reprise variée de la cabalette « Me protegge me difende », question de couleur et de mordant. Son ténor léger est-il vraiment à sa place ici?
On a connu timbre plus suave que celui de Sonia Ganassi (Adalgisa) et d’aucuns pourraient qualifier son chant de maniéré tant elle y inscrit d’intentions. C’est pourtant elle qui insuffle scéniquement et vocalement le drame dans un spectacle qui en manquait avant son entrée : on croit sans réserve à sa vierge partagée entre le devoir et l’amour. Sa voix se marie par ailleurs à merveille avec celle d’Elena Mosuc.
La Norma d’Elena Mosuc, justement, était une des curiosités de la soirée. On ne présente plus la soprano roumaine dans le répertoire du bel canto romantique, mais restait à voir ce qu’elle pourrait proposer dans le rôle mythique. Le début du spectacle ne rassure pas avec un « Casta diva » en manque d’émotion et quelque peu instable. Elle dévoile cependant rapidement ses qualités dans un « O, bello, a me ritorna » pris à un rythme ébouriffant : le suraigu et la virtuosité répondent présents. C’est une Norma plus légère que de coutume, nourrie de science belcantiste, qu’elle nous propose, à laquelle il manque un peu d’autorité et de tranchant. Surtout, le personnage peine à émerger, peu aidé il est vrai par l’absence de mise en scène.
C’est également le cas d’Enrico Iori (Oroveso) au timbre sombre plutôt séduisant mais qui semble sans cesse poussé dans ses retranchements, souvent couvert par des chœurs de l’Opéra de Lyon impeccables.
Reste la direction d’Evelino Pidò, à la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Lyon virtuose mais aux sonorités manquant de fondu, en carence de poésie, dont les tempi parfois brusqués nous ont beaucoup moins dérangés que dans I Puritani l’an passé dans ces mêmes lieux. [Antoine Brunetto]
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