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Palais Garnier : l’Opéra de Paris fait la sourde oreille

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Brève
9 novembre 2015
Palais Garnier : l’Opéra de Paris fait la sourde oreille

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Le week-end aura vu monter en puissance l’indignation à l’égard des projets de la direction de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. La pétition en ligne a franchi les 5000 signataires dimanche soir. Hugues Gall a publié une tribune virulente dans Le Journal du Dimanche. La presse française et internationale s’est inquiétée. Les réseaux sociaux se sont affolés.

Pour apaiser ces craintes légitimes, la direction de l’Opéra de Paris a publié un communiqué (voir ci-dessous) qu’elle nous a prié de mettre en ligne expressément dimanche alors qu’elle n’a pris la peine de publier ni sur le site, ni sur la page Facebook, ni sur le fil Twitter de l’Opéra. Etrange privilège réservé à notre site ! Ce communiqué évasif appelle une série de questions auxquelles ont été apportées par écrit hier en fin de journée des réponses qui sont très loin de nous satisfaire.

1. Qui réalise et réalisera les travaux d’adaptation de la salle du Palais Garnier ? 

D’après l’Opéra de Paris, ces travaux sont réalisés par des entreprises titulaires d’un marché public, sous le contrôle de l’Opéra, de l’architecte des bâtiments de France et de la DRAC.

Comment un appel d’offres public a-t-il pu être passé sur ce chantier sans aucune autorisation formelle de la DRAC ? Comment, en l’absence de cette autorisation, a-t-il été possible de fournir aux entreprises les données nécessaires au chiffrage et au paramétrage du chantier ? Mystère.

2. Pour quel coût estimé ? 

D’après l’Opéra de Paris, le coût s’élève à environ 300 000 euros. Le projet s’inscrit dans un plan global d’amélioration du confort du public dans la salle du Palais Garnier (visibilité, fauteuils…) sur les 4 prochaines années.

On s’interroge sur le caractère prioritaire de cette dépense. En effet, au Palais Garnier, les visites nombreuses détériorent parquets et foyer. Les toilettes sont hors d’âge. Les fauteuils de corbeille et d’orchestre sont défoncés. Les services intérieurs sont débordés par des dégradations et obsolescences nombreuses. Faut-il alors investir 300 000 euros dans la dépose et transformation des cloisons au moment où les mécènes dépensent une folle énergie pour venir au secours des éléments les plus essentiels (torchères, rampe de l’Empereur) ? Tout cela paraît bien disproportionné et hâtif.

3. Quel est le temps de manutention estimé des cloisons avant et après chaque représentation ? 

D’après l’Opéra de Paris, moins d’une minute par cloison.

Ce temps ne semble pas tenir compte du rangement des fauteuils, ni des contraintes évidentes afférentes à cette manutention, comme la nécessaire attente que les loges soient vides et propres.

4. Qui en assurera la bonne exécution ? 

D’après l’Opéra de Paris, les services de l’Opéra.

On se doutait que cela ne serait pas assuré par des policiers en tenue. Reste à savoir quelle catégorie du personnel réalisera cette manutention, dans quelles conditions sociales et salariales (avec les risques de grogne que cela comporte). Et si à la longue cette manutention ne sera pas purement et simplement abandonnée et les cloisons purement et simplement escamotées. La direction de l’Opéra est toujours restée muette sur cette éventualité.

5. Les 30 sièges ainsi créés seront-ils systématiquement vendus à chaque représentation ou seront-ils réservés à des représentations particulières ? 

D’après l’Opéra de Paris, la politique commerciale pour la saison 2016-17 est en cours d’élaboration. Ces places seront mises en vente en fonction des demandes particulières (demandes institutionnelles, mécénat, location de salle…) comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les 1ères loges de face, et ce depuis de nombreuses années.

Où l’on apprend avec stupeur que cet investissement sur quatre ans n’a pas été réalisé en fonction d’un prévisionnel de recettes ! Au contraire, il semble que l’aléatoire ici l’emporte : en somme, on altère gravement la salle du Palais Garnier pour un gain incertain. Selon les estimations, le gain attendu se situerait entre 300 000 et 650 000 euros. C’est donc déjà une année de gain qui a été absorbée par les travaux, en l’absence d’estimation des coûts indirects. C’est, pour reprendre l’expression d’Hugues Gall, « l’épaisseur du trait ». Tout ça pour ça.

6. A quelle catégorie appartiendront-ils et pour quelle recette annuelle supplémentaire escomptée ? 

D’après l’Opéra de Paris, même réponse qu’à la question 5.

A la stupeur succède un scepticisme profond. Savent-ils bien ce qu’ils font ?

7. La DRAC a donné, dites-vous, un « accord de principe » : quelles réserves demeurent avant l’accord définitif ? 

D’après l’Opéra de Paris, la DRAC a interrogé l’Opéra sur les points suivants : pose de tissu et mobilier. L’Opéra a répondu le 15 septembre dernier que du tissu conforme au tissu original (ce qui n’était pas le cas aujourd’hui) serait posé sur toutes les parties actuellement visibles et que le mobilier (embrasses de rideaux, tablettes, miroirs, patères) serait rétabli à l’identique.

Où l’on apprend que la DRAC s’est totalement désintéressée du caractère esthétique et technique de ces modifications de cloisons pour s’en tenir à la « pose de tissu et de mobilier ». Donc, soit la DRAC ne fait pas son travail, soit la direction de l’Opéra reste évasive sur les attentes de la DRAC, puisqu’elle a tout fait pour placer devant le fait accompli en entamant les travaux en dehors de son accord final.

8. Sur quel sujet portent vos échanges actuels avec la DRAC ?

D’après l’Opéra de Paris, même réponse qu’à la question 7.

Se peut-il que la DRAC soit en fait la Direction Régionale des Affaires de Chiffon ? On n’ose le penser. Se peut-il que la direction de l’Opéra nous prenne pour des benêts ? C’est fort probable.

9. Quel est le rôle de l’architecte des MH dans la réalisation de ces travaux (maîtrise d’ouvrage) ? 

L’architecte a réalisé l’étude préalable et joue un rôle de conseil, comme sur toutes les opérations concernant le Palais Garnier.

L’architecte a émis des réserves sur le projet mais n’en est ni le maître d’ouvrage ni le superviseur. Il ne dispose que d’une petite mission de « conseil » : c’est dire le rôle mineur qui est le sien, alors qu’il est devant la nation le garant de ce bâtiment. La minoration du rôle de l’architecte pose une grave question de gouvernance de la protection de l’édifice. Plus rien ni personne ne semble désormais protéger le Palais Garnier d’initiatives malheureuses de telle ou telle direction. La mobilisation par pétition et prises de position publiques y parviendra-t-elle ?

10. Ce projet a-t-il été présenté à d’autres instances internes (Conseil d’administration, personnels, panel de spectateurs…)? 

 Le Conseil d’administration a eu connaissance de ce projet.

On ne saura pas s’il a donné son avis, ni si une étude d’impact a été réalisée avant. On ne saura pas non plus si le projet a été présenté aux personnels qui devront ajouter à leur mission la manutention quotidienne des cloisons. Procéder par coups de menton semble devenir la coutume.

11. L’émotion légitime suscitée par ce projet est-elle de nature à infléchir votre vision de ce projet ou sera-t-il quoi qu’il arrive mené à bien ? 

 Même réponse qu’à la question 5. La rénovation des cloisons et des tissus des loges est une nécessité.

Si, pour la direction de l’Opéra de Paris, rénover est synonyme d’escamoter et transformer, il faut redouter tous les travaux de « rénovation » prévus par cette administration. En outre, il est bien évident que nul ne conteste le bien fondé d’une réfection des tissus. Là encore, on nous répond à côté.

12. Dans sa réponse ce soir à La Croix, Stéphane Lissner indique que les loges concernées sont les mêmes que pour la visite du Président de la République ou les soirées de gala. Il semble cependant que le projet soit plus large que cela. En outre, en quoi la dépose des cloisons améliore-t-elle la visibilité et l’acoustique? 

Ce projet concerne les 1ères et 2eloges de face. La visibilité sera améliorée pour les spectateurs : 30 places supplémentaires pourront être proposées dans un théâtre où les places à visibilité réduite sont nombreuses. Les spectateurs en fond de loge auront une visibilité nettement améliorée, car plus large ; l’acoustique, qui a été étudiée préalablement, sera améliorée, en fond de loge, en évitant notamment le phénomène de « son tubé ».

Aucune réponse sur la façon dont le directeur de l’Opéra a botté en touche en comparant son projet à ce qui se fait lors des soirées de gala, comme si on pérennisait l’exceptionnel. Techniquement, cette réponse est fausse puisque la loge présidentielle est obtenue en « fusionnant » trois loges seulement (les n°37, 38 et 39) !  En revanche, l’acoustique de la salle du Palais Garnier et la visibilité sont des enjeux lourds dont on doute très vigoureusement qu’ils soient résolus par la création de ces trente fauteuils qui auront pour premier effet d’altérer la physionomie de la salle tout entière mais n’ont rien à voir avec l’acoustique. En outre, il restera bel et bien des seconds rangs de loge, dont la visibilité ne sera pas améliorée. Enfin, le calfeutrage de la salle voulu pour convenir au ballet est contraire aux spectacles lyriques. Toute l’équation est là, et non dans un supposé problème d’acoustique « tubée » dans les loges. Ces faux-fuyants ne sauraient nous tromper sur l’objectif unique : faire un peu plus de recettes au Palais Garnier, à tout prix.


 

Communiqué de l’Opéra de Paris sur les loges du Palais Garnier
 
A la suite des questions posées au sujet des loges du Palais Garnier, la direction de  l’Opéra national de Paris souhaite apporter quelques précisions.
L’Opéra national de Paris a élaboré, au premier semestre 2014, un projet consistant à remplacer, aux 1er et 2ème niveaux des loges de face, les cloisons existantes et amovibles, par des cloisons mobiles intégrées et facilement rétractables. Ce projet repose sur le principe suivant : en reculant la cloison avant chaque spectacle, il est possible de proposer au public 30 places supplémentaires avec une très bonne visibilité ; une fois le spectacle terminé, la cloison reprend sa place et l’apparence de la salle, avant et après les spectacles, ne sera en rien modifiée.
De plus, l’Opéra a saisi l’occasion de rénover ces loges dont les cloisons amovibles étaient très abîmées, et, notamment, de poser des tissus et des velours conformes aux originaux. Le confort acoustique du public sera également sensiblement amélioré. Enfin, le mobilier des loges (banquettes, miroirs, tablettes, rideaux de séparation, embrasses de rideaux, patères de bronze) reste à l’identique.
Conformément aux règles applicables à un monument historique, le projet a été élaboré avec la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) et l’Architecte en chef des monuments historiques en charge du Palais Garnier. Un accord de principe a été donné en juin 2014 et le prototype a été installé à l’été 2015, au 1er niveau des loges de face seulement ; si les cloisons amovibles existantes ont été retirées aux 2èmes loges de face, les prototypes n’y ont pas encore été installés, dans l’attente de la validation définitive.
L’aspect actuel du Palais Garnier n’est donc que temporaire et les échanges avec la DRAC et l’Architecte se poursuivent pour parvenir à une solution définitive respectueuse de ce monument qui appartient au patrimoine de chacun.

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