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La nouvelle n’a pas fait grand bruit dans la moiteur estivale. Les mélomanes se concentrent sur les festivals et les médias n’ont d’yeux et d’oreilles que pour l’avènement du nouveau roi des Belges ou la naissance du futur souverain britannique. Pourtant, le géant de l’audiovisuel Warner n’a pas seulement absorbé EMI et Virgin Classics : si les gravures du premier paraîtront désormais sous la bannière Warner Classics, Erato renaît de ses cendres pour accueillir les productions et les artistes de Virgin Classics. Créé en 1953 par Philippe Loury, le label avait rapidement pris son essor et connu un rayonnement considérable jusqu’à la fin des années 70. Il joua notamment un rôle de tout premier plan dans la diffusion de la musique baroque et dans la défense du répertoire français contemporain. La disparition de son fondateur en 1980 et la politique aventureuse de ses successeurs précipitèrent un déclin que le rachat par Warner en 1992 ne réussit pas à enrayer. Ses activités cessèrent en 2001, mais Warner continua à exploiter son très vaste catalogue (plus de 2500 titres).
Le nouvel album de Philippe Jaroussky, qui sortira le 9 septembre, devrait donc être le premier enregistrement publié sous le prestigieux logo vert d’Erato depuis douze ans. De retour après un congé sabbatique de huit mois, le chanteur assurera la promotion de son nouveau récital dédié à Farinelli lors d’une tournée européenne. Les castrats ont décidément toujours la cote et la rentrée s’annonce chaude sur le terrain des acrobaties vocales où la star des contre-ténors affrontera Franco Fagioli (Arias for Caffarelli) et David Hansen (Rivals, arias for Farinelli & Co.) Contrairement à ses challengers, le Français a limité son programme au seul Porpora, maître napolitain de Farinelli, mais également de Hasse et rival londonien de Haendel. Réjouissons-nous, tout d’abord parce que sa musique, qui ne manque pourtant pas d’attraits et a d’ailleurs séduit aussi bien Cecilia Bartoli que Karina Gauvin (Atma), reste fort peu jouée. Ce disque nous permettra ainsi de découvrir autre chose que les mêmes pages de Broschi (« Son qual nave », « Ombra fedele anch’io », « Qual guerriero in campo armato ») ou Giacomelli (« Quell’usignolo ») trop souvent élues par les interprètes qui veulent se frotter au répertoire du célèbre sopraniste. Nous devrions tout au plus retrouver l’inusable « Alto giove », tiré de Polifemo, que Philippe Jaroussky donne volontiers en concert. En outre, le soliste bénéficie de l’accompagnement des fringants musiciens du Venice Baroque Orchestra (dir. A. Marcon), là où Karina Gauvin était livrée à elle-même, Il Complesso Barocco (dir. A. Curtis) déchiffrant laborieusement les partitions. [Bernard Schreuders]