Si l’on refuse qu’Otello sur scène soit noir, pourquoi ne pas accepter que Porgy et Bess soient blancs ? Telle est la controverse alimentée par l’Opéra d’État hongrois avec une nouvelle production de l’opéra de Gershwin confiée à des chanteurs majoritairement caucasiens.
L’action dans le même temps a été transposée de la Caroline du Sud en 1920 à un centre de migrants en Europe aujourd’hui. Toute analogie avec les événements de la gare de Budapest Keleti en 2015, lorsque des réfugiés syriens se sont rassemblés pour monter à bord de trains en direction de l’Allemagne, serait purement fortuite. C’est là où l’histoire de nauséeuse devient nauséabonde. D’après certains, cette transposition aurait été imaginée pour servir la cause de premier ministre Viktor Orbán à la veille d’élections générales en avril. On sait ce dernier en conflit ouvert avec l’Union européenne sur le système de quota de migrants. Ses propos sur « l’homogénéité ethnique » comme facteur de croissance l’an passé avaient à juste titre scandalisé. Pris à parti, Szilveszter Ókovács, le directeur général de l’Opéra d’État hongrois, a démenti toute manipulation politique.
Reste que George et Ira Gershwin avaient expressément émis le souhait que Porgy and Bess soit interprété par des artistes noirs. Certes, depuis que Mimì et Rodolfo tournent en orbite autour de la terre, tout est autorisé. Cependant, contrairement à La Bohème parisienne où il n’a jamais été précisé que l’opéra de Puccini était librement adapté, l’Opéra d’État hongrois, après intervention des ayant-droits, a dû déclarer que cette production était « non autorisée et contraire aux exigences de représentation de l’œuvre ». Justice non immanente : Porgy and Bess ainsi mis en scène s’est joué à guichets fermés.