On connaît la recette du pâté d’alouette : une alouette, un cheval. Pour le concert donné le 2 avril par le New London Concert à la Cité de la Musique, où le nom de Purcell était mis en avant, le procédé est à peu près le même : sur trente morceaux, un unique air de Purcell, et vingt-neuf pièces dues à d’autres compositeurs. A peine un demi-siècle après la mort de Shakespeare, ses pièces commencèrent à être réécrites, transformées parce qu’elles ne correspondaient plus au goût du public. La Tempête se mua ainsi en comédie musicale ou semi-opéra : la première adaptation, due à Dryden et Davenant, date de 1667, avec des musiques de Pelham Humfrey et John Banister, suivie en 1674 d’une version de Shadwell, avec des airs de Matthew Locke et des danses signées Reggio ou Draghi. Ces compositions occupaient la première partie du concert, et l’on ne peut pas dire qu’elles soient mémorables ou palpitantes. Heureusement, tout changeait dans la deuxième partie, fondée sur une version de 1695, qu’on a longtemps attribuée à Henry Purcell. On ne lui reconnaît plus aujourd’hui la paternité que d’un seul air, le superbe « Dear pretty youth », tout le reste ayant vraisemblablement été composé par son élève John Weldon. Musique virtuose, à l’écriture vocale bien plus intéressante que celle des versions antérieures, sans toujours atteindre les sommets purcelliens, mais magnifiquement défendue par les membres de l’ensemble dirigé par Philip Pickett, en particulier les trois admirables sopranos, aux voix nettement différenciées (Joanne Lunn, Faye Newton, Penelope Appleyard), et par les deux basses (Simon Grant, Philip Tebb).