En 2014, le Metropolitan Opera affichait Renée Fleming dans le rôle de Rusalka à l’occasion de la dernière reprise de la célebre production d’Otto Schenk. Cette saison, pour les débuts in loco de Kristine Opolais dans ce rôle, le Met présente une nouvelle production signée Mary Zimmerman dont c’est la quatrième collaboration avec la première scène new-yorkaise, après notamment Lucia et Sonnambula. C’est l’avant-dernière représentation, celle du 25 février 2017 qui a été diffusée dans les cinémas du monde entier.
Dès le lever du rideau on comprend que l’on aura affaire à une vision on ne peut plus traditionnelle de l’ouvrage, un ciel étoilé, la lune, un étang surplombé par un saule dans lequel Rusalka, vêtue d’une robe bleutée, chante son air d’entrée, ce premier tableau est la copie conforme de celui imaginé par Otto Schenk voici plus de trente ans. Etait-il nécessaire de faire une nouvelle production pour un tel résultat ? Le deuxième acte se situe dans une salle du château dont les murs rouges sont assortis aux vêtements du prince qui porte un costume dix-huitième, tout comme les invités de la fête. La princesse étrangère arbore une robe jaune safran, autant de couleurs vives qui tranchent avec la tenue aux teintes froides de Rusalka, tout comme dans la précédente production. Madamme Zimmerman se trouvait décidément à cours d’idées. A l’intérieur de l’antre de Ježibaba trône une armoire verte remplie de fioles et de flacons divers tandis que le dernier tableau nous ramène sur les rives de l’étang du premier acte autour duquel la verdure et les feuilles des arbres ont disparu. La direction d’acteurs, sans grande imagination n’en demeure pas moins efficace.
La distribution ne comporte aucun point faible, les seconds rôles sont tous impeccablement tenus, citons les trois nymphes aux voix assorties de Cassandra Zoe Velasco, Megan Marino et Hyesang Park dont les interventions sont autant de moments de grâce, le Garde forestier solide d’Alan Opie et le marmiton sonore de Daniela Mack. Katarina Dalayman est un Princesse étrangère altière à la voix tranchante. L’esprit du lac trouve en Eric Owens un interprète de choix. Oublions son ridicule costumes verdâtre pour ne retenir que sa prestation remarquable qui culmine dans son grand monologue du deux « Bĕda ! Bĕda ! » dont les accents déchirants ne sauraient laisser de marbre. Le timbre de bronze aux graves généreux du baryton-basse convient idéalement à ce personnage de père aimant, brisé par le chagrin. Brandon Jovanovich campe un prince relativement en retrait malgré l’ampleur de ses moyens et l’aisance de son registre aigu dont le son semble par moment tiré vers l’arrière. Sa scène finale, particulièrement émouvante, lui vaut un succès mérité. En grande forme, Kristine Opolais trouve en Rusalka un rôle qui met en valeur ses qualités vocales. Elle en fait un personnage fragile et touchant qu’elle incarne avec une grande sensibilité. Même si le timbre n’a pas la sensualité de celui de Fleming, en particulier dans la célèbre romance à la lune, la soprano lettone possède une voix claire et homogène, et un registre aigu solide. De plus, et cela a son importance au cinéma, elle a le physique du rôle. Enfin, la jeune mezzo-soprano Jamie Barton, touchante Fenena en début d’année, campe une Ježibaba haute en couleurs, diabolique, manipulatrice, sarcastique, à la mesure de ses moyens imposants. La voix ample, le grave opulent et l’aigu facile, une présence indéniable sur le plateau, autant de qualités qui font de chacune de ses apparitions un grand moment.
Au pupitre, Sir Mark Elder propose une direction fluide et énergique à la fois, non dépourvue d’intensité dramatique.
Le 11 mars prochain, le Metropolitan Opera retransmettra La Traviata avec Sonia Yoncheva, Michael Fabiano et Thomas Hampson dans les principaux rôles.