Nouvelle salve de parutions en provenance des labels spécialisés dans la réédition d’enregistrements anciens. On retiendra tout particulièrement la Traviata scaligère du 19 janvier 1956, moins réputée que celle de mai 1955, mais tout aussi magistrale. Dans un son précaire, on retrouve Giulini toujours aussi lent et habité, le Germont très grande école de Bastianini qui sait émouvoir, à l’occasion. Seule différence par rapport à la soirée de 1955, Alfredo échoit cette fois à Gianni Raimondi, plus probe mais moins solaire que Giuseppe di Stefano. Surtout, Callas y réédite sa Violetta anthologique, avec des moyens inentamés. Chaque note d’elle dans ce rôle est connaître, et à chérir. Le personnage est peut être encore plus creusé que l’année d’avant, et elle atteint, à l’acte IV, des sommets d’émotion qui, de plein droit, font figurer cette incarnation au sommet de l’histoire du chant. Historique, assurément (Myto historical, 2 CD 00210, 4 cœurs). Autre contribution à l’édification de la discographie callassienne, toujours chez Myto, voici la Lucia di Lamermoor captée le 22 avril 1956 au San Carlo de Naples. Callas y est en forme, elle envoûte et ensorcèle, et est plutôt bien entourée (Rolando Panerai en Enrico, Gianni Raimondi en Edgardo). Mais la direction routinière de Francisco Molinari-Pradelli plombe l’ensemble. On retournera sans hésiter à la version dirigée par Karajan à Berlin en 1955 (Myto historical, 2 CD 00296, 3 cœurs). De Vienne nous vient, dans un remastering soigné, un Eugene Oneguin, capté en 1955 au Theater an der Wien. C’est en allemand, la distribution est exclusivement germanophone : pour la couleur locale, on repassera. On s’inclinera, en revanche, devant quelques incarnations majeures : l’Oneguin de Georges London, déchiré, prenant, souvent bouleversant, le Lenski sensible et superbement chanté d’Anton Dermota, le Gremin somptueux de timbre et de legato de Gottlob Frick. En Tatiana, Leonie Rysanek est un peu à l’étroit, définitivement pas crédible en jeune fille, mais elle irradie et finit par tout emporter sur son passage à force d’engagement. Klobucar se contente d’accompagner (Andromeda ANDRCD 9100, 3 cœurs). On saluera enfin sans retenue la réédition de La Femme silencieuse captée en août 1959 à Salzbourg, sous la direction autorisée et inspirée de Karl Böhm (qui assura la création de l’œuvre en 1935). L’œuvre, moins « grand public » que d’autres, est à réserver aux connaisseurs. Ils trouveront ici une équipe de chanteurs imbattables (Hotter, Wunderlich, Prey), ayant appris leur Strauss à la meilleure école, idiomatiques en plein. Ca pétille d’humour, d’intelligence et de clins d’œil. Cette version domine sans difficulté une discographie qui tient sur un demi ticket de métro (Andromeda ANDRCD 9099, 4 cœurs). [JM]