Après avoir donné de la voix, en Maréchale, dans la version de concert du Chevalier à la Rose dirigé par Kirill Petrenko au Théâtre des Champs-Elysées, la soprano finlandaise Soile Isokoski égrenait à l’auditorium du Musée d’Orsay un bouquet de mélodies autour de la figure féminine, le 20 mars dernier : le Schumann fiévreux des Frauenliebe-und Leben trouve dans une voix encore lumineuse, dont on peine à croire qu’elle se produit dans le monde entier depuis 25 ans déjà, un instrument idéal. Curiosité de la soirée, quatre extraits de Ratsumies, opéra écrit par son compatriote et contemporain Aulis Sallinen, concluent la première partie sur une note onirique et hallucinée.
Le même surréalisme nous saisit après l’entracte, où le Strauss méconnu des Trois Lieder d’Ophélie déploie une ligne vocale troublante et ambiguë, dans la lignée des héroïnes « hystériques » du compositeur : l’ombre de Salome, d’Elektra, de Chrysothemis aussi, rôdent au détour de chaque mesure. La tension retombe, avec une douzaine d’extraits de L’Italianisches Liederbuch de Wolf, sur une tonalité beaucoup plus légère. La distinction naturelle de la cantatrice, son élégance que d’aucuns trouveraient légèrement corsetée, apportent à ces pages décalées un charme irrésistible, un parfum envoûtant opportunément sollicité, depuis le piano, par l’énergique Ilkka Paananen… une soirée pour esthètes.