Deux concerts, centrés sur « les compositrices pionnières », sont l’occasion pour le Festival de Radio-France, Montpellier Languedoc Roussillon de marquer encore sa différence. Des oeuvres rares, de compositrices laissées trop souvent dans l’ombre des hommes, confiées à des interprètes de premier plan. L’abondance de l’actualité interdit, hélas, de rendre compte de la totalité des prestations, si belles soient-elles. Aussi nous ne retiendrons que celle de Sophie Karthäuser, magistralement accompagnée par Edna Stern. Sans passer sous silence le bonheur que cette dernière a donné à son public, la veille, avec, entre autres, une sonate d’Hélène de Montgeroult, digne de figurer à côté des meilleures productions contemporaines, fussent-elles de Haydn ou du jeune Beethoven.
Le programme réunissant nos deux interprètes s’ouvre une série de lieder de Fanny Mendelssohn (Cinq Lieder, opus 10 ; Sehsucht nach Italien, WoO ; Italien, opus 8 n°3 ; Gondellied, opus 1 n°6). Leurs qualités musicales justifient pleinement le choix. La douce mélancolie qui les inspire ne se dément que lorsqu’il s’agit d’évoquer la miraculeuse Italie, qui fit si forte impression sur tous les romantiques allemands empruntant l’itinéraire de Goethe: le rayonnement, la chaleur, la joie sont au rendez-vous. On connaît les extraordinaires qualités de Sophie Karthäuser et, cependant, on est toujours surpris par son chant : une intelligence rare des textes, une diction exemplaire, une richesse de timbre et de nuances qui force l’admiration. La perfection épanouie et naturelle, avec la plus large palette expressive, de la gravité au sourire ou à la joie exubérante, Sophie Karthaüser a le pouvoir de passer d’un climat à l’autre, le temps de reprendre ses esprits et son souffle. La conduite de la phrase, musicale et littéraire est aussi admirable que lorsqu’elle chante Poulenc.
La personnalité affirmée de Clara Schumann, malgré ou à cause de Robert, partage avec lui une harmonie aisément identifiable. Toute les registres d’expression sont illustrés : on passe ainsi, dans les 6 lieder opus 13, du mezzo voce intimiste et romantique de « Ich stand in dunklen Träumen » au frémissant « Liebeszauber », puis au nocturne berceur « Die Mond kommt still gegangen ». Les trois lieder sur des poèmes de Rückert atteignent un degré de perfection inouï, de l’aspect tourmenté, inquiet de l’opus 12 n°2 à l’apaisement final (« Die gute Nacht, die ich sage »), en passant par la simplicité vraie du lied central. Un régal.
Toutes les qualités de Sophie Karthäuser se retrouvent dans la perfection chaleureuse de l’accompagnement. Un magnifique duo où deux femmes chantent d’une même voix, chacune avec son instrument.
Fanny Mendelssohn : Cinq lieder, opus 10. Clara Schumann : Six lieder, opus 10 ; Trois Rückert Lieder.
Sophie Karthäuser, soprano. Edna Stern, piano
Festival Radio-France Montpellier Languedoc Roussillon. Montpellier, Salle Pasteur – Le Corum, mercredi 16 juillet 2014, 18 h