Chacun sait que la « folle journée » de Beaumarchais est la suite d’un premier succès, Le Nozze di Figaro ayant pour « prequel » Il Barbiere di Siviglia. Mais on ignore souvent que l’histoire de la famille Almaviva se poursuit dans un troisième volet, La Mère coupable (1792), drame larmoyant auquel la Comédie-Française a quand même redonné sa chance en 1990. Et l’on connaît encore moins l’opéra en trois actes que Darius Milhaud en tira, créé à Genève en 1966 (avec Louis Quilico, Eric Tappy, et même José Van Dam dans un petit rôle). Un enregistrement en a existé à une époque, avec Serge Baudo à la tête de l’orchestre de l’ORTF, mais on ne peut pas dire que cette Mère coupable coure les rues. On se réjouissait donc à la perspective d’en entendre des extraits, mêlés aux passages les plus connus du Barbier rossinien et des Noces mozartiennes, dans le cadre de cette « Trilogie andalouse » concoctée pour le Théâtre de Saint-Maur. C’est de fait l’élément le plus intéressant de ce spectacle, et celui où les chanteurs semblent le plus à leur aise, puisqu’ils chantent dans leur langue et que les exigences de la musique de Milhaud sont sans doute plus théâtrales que vocales. La distribution francophone réunie pour l’occasion est largement dominée par le Figaro de Mathieu Lécroart. Plus à l’aise en Bégearss chez Milhaud, Pascal Gmyrek semble mis en difficulté par le chant syllabique du Bartolo de Rossini ; on apprécie le beau timbre de la mezzo Magali Paliès, mais ses vocalises – émotion liée à la générale ? – manquent un peu de précision, remarque qui vaut aussi pour Thill Mantero, baryton ici obligé d’interpréter quelques passages destinés à un Almaviva ténor. La mise en scène de Jean-Luc Paliès peine à retenir l’attention, et le manque de moyens n’explique pas tout. Quant à l’orchestration pour onze musiciens réalisée et dirigée par Olivier Kaspar, elle étonne par endroits des oreilles habituées à une sonorité bien différente, mais s’avère finalement tout à fait efficace. Le public, en tout cas, ne boude pas son plaisir et applaudit chaleureusement tous les artistes rassemblés dans le cadre de cette initiative d’autant plus louable qu’elle porte l’opéra dans un lieu où l’on ne l’attend pas forcément. Encore deux représentations, samedi à 20h30 et dimanche à 15h30.