Pratiquement spécialisé dans la défense et illustration de la musique française, le label Timpani a souvent eu du nez dans la redécouverte d’un répertoire délaissé. Le Docteur Miracle de Bizet avait-il besoin d’être défendu et illustré ? Rien n’est moins sûr, dans la mesure où il en existait déjà quelques versions honorables : parmi les anciennes, on trouve celle de 1952 construite autour de Camille Maurane en Podestat, et celle de 1976 où brille Christiane Eda-Pierre, régulièrement rééditée (voir notre compte rendu). La dernière en date, sortie en 2002, était sérieusement gâtée par un ténor impossible, dont le manque de familiarité avec notre langue justifiait qu’on n’y ait pas inclus les dialogues parlés ; y figurait déjà Pierre-Yves Pruvot, avec son épouse Hjördis Thébault, sous la baguette de Didier Talpain. Connu comme accompagnateur dans des récitals de mélodies avec piano, notamment pour le disque Massenet de Sabine Revault d’Allonnes, Samuel Jean a derrière lui une carrière de chef lyrique, mais le studio semble l’avoir privé de toute verve. Tout le monde s’exprime en bon français, les voix sont saines à défaut d’être toujours enthousiasmantes, mais l’omelette est un peu sèche, alors qu’on l’aimerait mousseuse et fondante. La bonne idée, avec les mêmes interprètes, aurait pu être d’enregistrer le Docteur Miracle qui arriva ex aequo lors du concours de 1857, celui de Lecocq, dont Gérard Condé dit lui-même dans le texte d’accompagnement que le futur compositeur de La Fille de madame Angot « s’y montre déjà davantage lui-même que Bizet ». Le Docteur de Lecocq n’a connu qu’un seul enregistrement, réalisé en 1972 avec Christiane Château, Lina Dachary, Michel Hamel (Pasquin de Bizet vingt ans auparavant aux côtés de Camille Maurane) et Bernard Cottret ; une alternative à cette version introuvable aurait été la bienvenue. Pour une fois, Timpani a manqué une occasion de nous livrer un disque indispensable.