Le dimanche avait mal commencé pour le Festival de Pentecôte de Salzbourg. Trois annulations sur les quatre solistes du Stabat Mater de Rossini ? « Je n’avais jamais vu ça dans toute ma carrière », déclare l’intendant du festival, Alexander Pereira, aux spectateurs assemblés dans le Grosses Festspielhaus. Krassimira Stoyanova, Elina Garanca et Piotr Beczala ont été ainsi remplacés respectivement au pied levé par Maria Agresta, Sonia Ganassi et Lawrence Browlee (qui chantait plus tard dans la journée dans La Petite Messe Solennelle). Seul demeurait Erwin Schrott fidèle au poste !
Mais le pire était à venir avec le gala Rossini du soir. On avait annoncé Montserrat Caballé, Teresa Berganza, Leo Nucci, Agnes Baltsa … Une nuit au musée, version Rossini en quelque sorte. Malheureusement, Montserrat Caballé, fatiguée par ses ennuis juridico-fiscaux a décliné l’invitation. Teresa Berganza, qui ne se voyait pas chanter le Duo des chats toute seule, n’est pas venue non plus. Pas davantage de Nucci ou de Baltsa. Même les plus jeunes étaient frappés : Erwin Schrott entendu le matin n’était plus là le soir, pas plus qu’Ildebrando Arcangelo… D’où un programme largement improvisé, annoncé au fil de l’eau par Pereira lui-même et qui se révèlera sympathique à défaut de contenter les amateurs de vieilles glottes. Citons la première apparition commune de Juan Diego Florez et Cecilia Bartoli (on a du mal à le croire mais ils n’avaient jamais chanté ensemble) dans le duo de Cenerentola, le jeune Massimo Cavalletti qui ose le si naturel dans l’air du Barbiere di Siviglia, Carlos Chausson et Alessandro Corbelli impayables en vieux barbons (respectivement dans Cenerentola et dans Il Turco in Italia), Michele Pertusi qui offre le rare air de La Gazza Ladra, Javier Camarena qui bisse l’air de Ramiro de Cenerentola devant le délire du public, et, pour les nostaliques un Ruggero Raimondi encore étonnant en Don Basilio (mais en délicatesse avec le chef), Vesselina Kasarova survoltée mais incontrolable en Arsace de Semiramide (seule concession à l’opera seria), et surtout un José Carreras émouvant dans l’air de La Pietra del Paragone, un ouvrage qu’il avait chanté il y a plus de 40 ans. La soirée s’achève avec le final de l’acte I du Barbiere (déjà donné en fin de première partie) mais avec cettte fois un Figaro, une Rosina, deux Almaviva, deux Bartolo et trois Basilio ! Cecilia Bartoli interprète Berta (dans son costume de Cenerentola) et nos deux ténors rivalisent avec Kasarova pour le dernier contre ut, outrageusement tenu par Camarena (le ténor mexicain ne s’est pas fait un ami ce soir là …). Alexander Pereira lui-même se lance en Basilio, rejoignant Ruggero Raimondi et Michele Pertusi, visiblement soulagé de voir si bien se terminer une journée qui avait commencé si mal !