La musique de Dukas est si rare qu’on ne saurait trop se réjouir de la redécouverte d’une de ses œuvres oubliées. Le compositeur d’Ariane et Barbe-bleue, très exigeant envers lui-même, avait en effet la fâcheuse habitude de détruire toutes les partitions dont il n’était pas satisfait. Heureusement, grâce à l’honorable institution du Prix de Rome, une de ses œuvres de jeunesse a été préservée et, sous les auspices du Palazzetto Bru Zane, elle a revu le jour en 2011 à Venise. Ayant obtenu en 1888 le second grand prix avec sa cantate Velléda (le jury lui a préféré la version de Camille Erlanger), Dukas ne parvint pas à remporter le Premier Prix l’année suivante comme on pouvait l’espérer : en 1889, sa Sémélé ne lui valut aucune récompense. Justement, plutôt que de proposer une énième enregistrement de L’Apprenti sorcier, n’aurait-il pas été judicieux de graver cette cantate malheureuse, pour accompagner Velléda ? La musique composée par l’impétrant en 1888 est d’une telle finesse, d’une telle originalité, qu’on en aurait bien repris une dose. Chantal Santon est une magnifique prêtresse gauloise, aux côtés d’un Julien Dran vaillant mais éprouvé par une tessiture très tendue. Jean-Manuel Candenot leur donne une réplique plus qu’adéquate dans le plus bref rôle de Ségénax. L’ouverture Polyeucte, composée peu après, est moins éblouissante que les premières pages de Velléda, mais elle vient elle aussi compléter notre connaissance du trop perfectionniste Dukas. [Laurent Bury]