En 1997, Roberto Alagna, dirigé par Claudio Abbado, enregistrait sous la bannière d’EMI Classics un récital entièrement consacré à Verdi. C’est cet enregistrement que reprend aujourd’hui Deutsche Grammophon alors que l’on célèbre un peu partout le bicentenaire de la naissance du compositeur italien. En ses jeunes années, notre ténor public numéro un visait déjà loin. Ecartés les Mantoue et Alfredo des débuts, au profit de Radamès (Aida) qui surviendra plus tard, en 2006, avec le raffut que l’on sait, de Riccardo (Un ballo in Maschera), abordé pour la première fois cette saison, et d’Otello qui ne figure pas encore à son palmarès (mais cela ne saurait tarder). L’écoute, a posteriori, ne lui donne pas toujours raison. D’essence lyrique, le chant flotte souvent dans des vêtements qui paraissent trop larges. Demeurent la qualité du timbre, unique, que l’on l’aime ou pas, la fièvre énergisante de Manrico ou d’Ernani et, plus généralement, la générosité avec laquelle Alagna empoigne ces partitions à bras le corps. Que Verdi parle français et le plaisir monte d’un cran. La diction, exemplaire, fait comme à chaque fois des miracles. Il passe l’ombre gigantesque de Duprez dans « L’émir auprès de lui m’appelle », air adapté par Verdi à la vocalité de celui qui popularisa de l’Ut de poitrine. Mieux, « Fontainebleau, Forêt immense », repris des représentations de Don Carlos au Châtelet en 1996, dessine un Infant exemplaire, dont l’ardeur n’empiète pas sur le charme. Ajoutées à une inévitable « Donna è mobile », extraite des airs d’opéra enregistrés en 1995 sous la baguette de Richard Armstrong et à l’Ingemisco de la Messa da Requiem dirigée par Claudio Abbado en 2001, ces quatre minutes de bonheur aident ce nouvel album Verdi à se démarquer de l’original. [Christophe Rizoud]
Roberto Alagna, Verdi. 69’45. CD Deutsche Grammophon, 2013