Il fut l’un des premiers artistes à dénoncer l’attaque de l’Ukraine par la Russie. En modifiant dès les premiers soirs de l’offensive la programmation du concert qu’il donnait à Berlin, ouvrant la représentation par l’hymne national ukrainien en lieu et place de la Marche Slave de Tchaïkovski, en fustigeant les bombardements de Poutine, en incombant la responsabilité au seul chef du Kremlin et en dissociant le peuple russe et la Russie de l’invasion militaire : « Es ist kein russischer Krieg, es ist Putins Krieg ! » « C’est la guerre de Poutine, pas de la Russie », martela-t-il à plusieurs reprises. En prenant publiquement la parole les jours suivants devant la porte de Brandebourg au côté d’autres artistes, où ils chantèrent, entre autres, l’hymne ukrainien mais aussi « Imagine » de John Lennon.
Né à Moscou mais d’origine ukrainienne par son grand-père paternel, Vladimir Jurowski, actuel directeur musical de la Bayerische Staatsoper, se dit déchiré depuis le début du conflit, habité d’une rare colère contre le Kremlin. Si beaucoup d’artistes russes ont publiquement condamné la guerre en Ukraine, d’autres n’ont pas souhaité s’exprimer, et ont vu leurs participations annulées dans la plupart des théâtres qui les avait invités. Malheureusement, certains organisateurs zélés ont jugé opportun d’aller plus loin et de supprimer toute référence à la Russie, boycottant tous les artistes voire la culture Russe, dans leur programmation. Devant cette censure, le chef russe s’engage à nouveau publiquement à travers une pétition, signée par plus d’une centaine d’artistes internationaux ( Simon Rattle, Mark Elder, Antonio Pappano, Edward Gardner, Barrie Kosky, Dmitri Tcherniakov, Claus Guth, Renaud Capuçon, Leonidas Kavakos, Sabine Devieilhe, Barbara Hannigan, Matthias Goerne, Philippe Manoury).
Préalablement à toute déclaration, il y rappelle que la guerre lancée par régime totalitaire poutinien contre l’Ukraine souveraine ne peut supporter aucune justification et que les attaques contre des cibles civiles doivent être condamnées. Sa première pensée va à ses collègues ukrainiens subissant ces bombardements : dans de telles circonstances, il comprendrait que son message soit peu relayé et paraisse indécent. S’il soutient pleinement les sanctions diplomatiques et financières à l’encontre du régime de Poutine et de ses oligarques, il rappelle que tous les Russes et Belarusses, et plus particulièrement les artistes, ne soutiennent pas cette guerre, bien au contraire. Fustigeant l’exclusion d’un jeune pianiste d’un célèbre concours international, au seul prétexte de sa nationalité et sans preuve réelle de sa collusion avec le pouvoir en place, Vladimir Jurowski rappelle que Poutine a bâillonné et désinformé son propre pays depuis des années et que tout le monde ne peut pas publiquement en Russie exprimer son désaccord sans mettre en danger sa propre vie ou celle de ses proches. « Personne ne devrait jamais avoir à se justifier sur ses origines ou sa nationalité » conclut-il avant de condamner la discrimination anti-russe qui sévit actuellement. Il appelle solennellement à la fin immédiate du conflit et plaide pour un traitement équitable des artistes non affiliés au maître du Kremlin.