Christoph Prégardien © DR
C’est un récital exceptionnel qu’offraient lundi soir dernier, 11 mars, au public bruxellois Christoph Prégardien, ténor, Julia Kleiter, soprano, accompagnés par le pianiste Hilko Dumno. Les trois artistes allemands interprétaient l’intégralité du Italienisches Liederbuch de Hugo Wolf, cycle de 46 courtes mélodies, alternativement pour voix d’homme et de femme, sur des textes populaires italiens, traduits en allemand par Paul Heyse. Ce vaste corpus, composé en deux salves distinctes (1890-91 pour la première partie, et 1896 pour la seconde), est une suite de scénettes aux climats variés, parfois drôles, parfois mélancoliques, parfois philosophiques, toujours délicieusement mises en musique par Wolf dont on connaît l’inégalable inventivité mélodique et le génie très personnel, qui s’exprime surtout dans le traitement particulièrement élaboré de l’accompagnement du piano. C’est sous le signe du contraste que les artistes ont décidé de placer leur prestation : contraste très marqué des voix, entre l’expression directe, magistrale, très puissante de Christophe Prégardien et celle plus légère, un peu fabriquée mais également raffinée de Julia Kleiter. Contraste des genres, bien sûr, mais aussi de rayonnement, très extérieur et généreux pour le ténor, beaucoup plus introverti, moins puissant pour la soprano, au timbre assez sombre, ce qui ajoute sans doute à son charme. C’est au pianiste qu’il revient de donner à tout cela cohérence et unité. Sensible, coloriste, poète, mais aussi intrépide virtuose, toujours inspiré et attentif, Hilko Dumno se révèle un musicien merveilleux, particulièrement habile à ouvrir des horizons instantanés, établis en une demi mesure à peine, à négocier de subtiles transitions ou à faire dialoguer avec une grande délicatesse voix et clavier. Le public de la Monnaie sera récompensé d’une attention sans faille par deux duos donnés en bis, Licht und Liebe D.352 de Schubert, et Unterm Fenster Op. 34/3 de Schumann, celui-ci chanté deux fois, la première ayant été emaillée de quelques incidents… [Claude Jottrand]