« Je ne suis pas vraiment certain de jouer avec les couleurs les plus sombres de ma voix, du moins de manière consciente. La musique et sa tonalité propre sont mes guides en la matière. Ces couleurs sombres – que vous entendez, qui sont les miennes – ne sont pas toujours de mon fait. Par exemple dans le Wanderer du Schubert ou l’Abendstern, ce n’est pas tant une question de tessiture, mais de développement naturel de la ligne ; ces deux exemples appellent la clarté, car l’oeuvre est en quête de clarté, c’est comme si on entendait Goethe dire « lumières ! lumières ! »
« A contrario, dans une oeuvre comme la Quatorzième symphonie de Chostakovitch, dont la tonalité est pour le moins lugubre, il faut trouver une couleur adéquate, une couleur de chair et de sang, que le son adopte ce caractère. La musique appelle parfois la pire laideur, le dégoût ou l’agressivité augmentées de caractéristiques qui pourraient sembler paradoxales, comme la beauté et la douceur. C’est là que le colorisme devient topique : rien n’est le fait de ma création, tout vient de la partition. »
« La voix et ses couleurs naissent dans la partition ; dans le cas de cette oeuvre de Chostakovitch, on pourrait dire que le brun est la couleur prédominante auquel se mêle un bleu très foncé et un noir absolu. Mais ce n’est pas parce que, comme un peintre, j’ai préparé ma palette avant d’entrer dans le studio, mais parce que toutes ces informations, mon inconscient les a trouvées dans les notes et dans le texte ».