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Camille Maurane (1911-2010)

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Nécrologie
25 janvier 2010

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C’est presque centenaire que le baryton rouennais Camille Maurane nous a quittés, ce 21 janvier 2010. Il aura été l’un des plus grands serviteurs de la mélodie française, aux côtés de Pierre Bernac et de Gérard Souzay, avec lesquels il partageait – et ce, malgré des querelles touchant plus aux personnes qu’à leur art ! – cet art remarquable du bien dire, cet amour gourmand des mots, ce sens si précieux du texte qu’il servait en poète autant qu’en musicien.
Camille Maurane n’a pourtant pas connu un parcours typique. Certes, il découvre la musique très tôt, grandissant dans une famille de musiciens (son père est professeur de musique), chantant à la chorale de la célèbre Maîtrise Saint-Évode de la Cathédrale de Rouen… Mais le décès de sa mère vient bouleverser son adolescence et la recomposition du foyer paternel l’éloigne de la musique. Ce n’est qu’à 25 ans, quand tant d’autres ont déjà brûlé les planches, que Camille Maurane retrouve le goût du chant et entre au Conservatoire de Paris, où il est immédiatement remarqué par Claire Croiza. C’est avec cette grande « diseuse » du chant français qu’il acquiert cette diction si remarquable, claire, naturelle, qui sait donner tout son poids au texte sans jamais pour autant sacrifier la ligne vocale. Avec un tel rééquilibrage entre le texte et la voix, Maurane a parfois passé pour un interprète trop introverti, essentiellement méditatif. Il est vrai que la mode était alors davantage aux excès d’un vérisme souvent dévoyé, et que les grands modèles du chant international pariaient plus sur le volume sonore que sur l’intériorité de l’émotion…

Cette attention au texte, cet amour du français ont fait de lui un ambassadeur particulièrement recherché des œuvres de Debussy (Pelléas et Mélisande, dont il avait la couleur et la tessiture exactes ; on possède d’ailleurs trois enregistrements intégraux de cette œuvre, avec Ansermet chez Philips, Fournet chez Decca et Inghelbrecht, live, INA), de Ravel (on sait à quel point il est difficile de doser musique et mots chez lui, dans les Histoires naturelles surtout, cycle où il était sans rival), mais aussi de tout un répertoire baroque dont il s’est fait un fervent défenseur, contribuant à redonner à cette musique les lettres de noblesse que lui déniait alors le public. On pense tout particulièrement à Rameau, dont il a permis de réévaluer l’héritage, redonnant vie et corps à Castor et Pollux ou aux Indes galantes notamment.

Mais ce goût pour la musique ancienne ne saurait faire oublier son implication dans la musique de son temps. Il laisse une interprétation inoubliable du rôle d’Octave dans Les Caprices de Marianne d’Henri Sauguet sous la direction de Manuel Rosenthal (disques Solstice, 1959), défend la musique d’Arthur Honegger (Cantate de Noël, EMI, 1971), enregistre des mélodies de compositeurs aussi peu publics que Sylvio Lazzari (1857-1944), Charles-Gaston Levadé (1869-1948), Alfred Alessandresco (1893-1959), Federico Mompou (1893-1987), Georges Dandelot (1895-1975), Robert Planel (1908-1994),  Daniel Lesur (1908-2002), Jacques Chailley (1910-1999) etc. Mais c’est peut-être chez Fauré que ce chanteur de l’intime a laissé les interprétations les plus définitives : à l’instar d’une Germaine Thyssen-Valentin ou d’un Jean Hubeau pour le piano, Camille Maurane a su trouver ce ton unique qui seul rend totalement justice à l’univers sonore et humain du compositeur ariégeois – que ce soit dans ses mélodies ou dans son Requiem, dont il a laissé une lecture qui fait encore référence aux côtés de la lumineuse Pierrette Alarie, de Maurice Duruflé à l’orgue et Jean Fournet à la baguette (Philips, 1953). Qui mieux que lui a respecté l’indication de Fauré, qui souhaitait pour cette œuvre « un baryton silencieux comme un cantor » ? Profondeur et humanité.

 

Et c’est bien cette humanité que Maurane n’aura eu de cesse de rendre palpable dans ses interprétations, n’utilisant la voix que comme moyen, véhicule de l’émotion – jamais comme fin en soi. Ce refus de briller sera d’ailleurs l’une des clés de son legs en tant qu’enseignant, lui qui professera 30 ans durant au Conservatoire Supérieur de Paris.

David Fournier

 

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